300 étudiants non québécois formés en médecine à McGill à nos frais
La grande majorité d’entre eux repartent après avoir complété leur formation au rabais
Près du quart des places à la résidence en médecine à l’Université McGill sont occupées par des étudiants provenant de l’extérieur de la province, venus se former aux frais des contribuables québécois, alors que la grande majorité d’entre eux ne pratiqueront jamais au Québec. Il s’agit d’une «erreur» qui doit rapidement être corrigée, affirme un chercheur.
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Selon des données du ministère de l’Enseignement supérieur, 303 étudiants canadiens provenant de l’extérieur de la province et 12 étudiants internationaux étaient inscrits à la résidence en médecine à l’Université McGill, en 2021-2022 (en équivalent temps plein).
Or en vertu des règles en vigueur, ces étudiants paient les mêmes droits de scolarité que leurs collègues québécois, soit environ 2800 $ par année.
Une véritable aubaine, puisque le coût moyen d’une formation en médecine au Canada est d’environ 15 000 $, selon Statistique Canada. La facture est d’ailleurs beaucoup plus élevée en Ontario, où un étudiant peut débourser jusqu’à 23 000 $ par année pour le même programme.
Un «privilège anormal»
Or il est tout à fait «anormal» d’avoir décidé, il y a environ 25 ans, d’accorder un «privilège» aux résidents en médecine provenant de l’extérieur de la province leur permettant de payer la même facture que leurs collègues québécois, aux frais de l’État, affirme Martin Maltais, professeur spécialisé en financement de l’éducation à l’Université du Québec à Rimouski, qui a décortiqué ces données en collaboration avec Le Journal.
Cette même exemption a aussi été accordée pour d’autres programmes en santé, comme en optométrie. Au total, les subventions gouvernementales consacrées à la formation d’étudiants non québécois dans ces programmes en santé s’élèvent à près de 17 millions $ chaque année, a calculé M. Maltais.
«Jamais personne n’a remis ça en question, mais ça n’a pas de bon sens et ça n’aurait jamais dû exister. C’est une erreur qui doit être corrigée immédiatement», affirme M. Maltais, qui a aussi été directeur adjoint au cabinet du ministre de l’Enseignement supérieur, sous Jean-François Roberge et Danielle McCann.
Des médecins qui quittent le Québec
Ces exemptions découlent de règles provinciales qui sont les mêmes pour toutes les universités québécoises. Des résidents en médecine provenant de l’extérieur de la province inscrits à l’Université de Montréal, de Sherbrooke ou Laval bénéficient de la même aubaine.
Or ceux qui viennent étudier en médecine en anglais, à l’Université McGill, sont beaucoup plus susceptibles de quitter le Québec après leur formation, souligne M. Maltais.
En 2021, la moitié des médecins diplômés de McGill ne pratiquaient pas au Québec. On en retrouvait plutôt le tiers en Ontario, selon des données provenant de l’Institut canadien d’information sur la santé.
Par ailleurs, il n’existe pas d’entente de contrepartie avec d’autres provinces canadiennes qui permettrait à des Québécois de bénéficier des mêmes avantages en retour, indique Martin Maltais.
Toutes les places en médecine à l’Université McGill devraient être réservées à des Québécois ou à des étudiants qui paient entièrement le coût de leur formation, ajoute le professeur de l’UQAR.
«La compétence des gens, au Québec, elle est là. Il n’y a absolument rien qui justifie qu’on paie quelqu’un qui vient de l’extérieur pour venir se former ici en médecine», dit-il.
Invitée à commenter, l’Université McGill n’a pas répondu à nos questions à ce sujet au cours des derniers jours.
Payer pour angliciser le Québec
L’enjeu dépasse toutefois largement les programmes en santé. Depuis des années, Québec finance aussi une partie de la formation universitaire d’étudiants provenant du reste du Canada ou de l’étranger, peu importe leur programme d’études. Leur facture est plus élevée que celles des étudiants québécois, mais elle ne suffit pas à couvrir l’ensemble des coûts de leur formation universitaire.
Le Journal rapportait récemment que Québec consacre près de 200 millions $ par année pour financer la formation de ces étudiants non québécois venus se former dans les universités anglophones québécoises, alors que ces fonds publics «contribuent directement» à l’anglicisation de la province, selon M. Maltais.
Le gouvernement provincial finance notamment la formation de près de 2400 étudiants canadiens ou internationaux venus étudier en génie ou en informatique dans les universités Bishop’s, Concordia et McGill, ce qui représente 40 millions $ par année.
- Avec la collaboration de Philippe Langlois.
DROITS DE SCOLARITÉ EN MÉDECINE
- Québec : 2800 $
- Moyenne canadienne : 15 182 $
- Ontario : 23 000 $
Médecins résidents à l’Université McGill*
- 1046 Résidents du Québec
- 303 Canadiens non résidents du Québec
- 12 Étudiants internationaux
*Pour l’année 2021-2022. En étudiant équivalent temps plein (EETP).
Sources : ministère de l’Enseignement supérieur, Statistique Canada.