Une transformation numérique sans expertise et sans effectifs pour Éric Caire
Le ministre de la Cybersécurité et du Numérique veut accélérer la transformation malgré plusieurs lacunes internes
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Québec accélérera sa transformation numérique dès l’an prochain, même si le ministère de la Cybersécurité est miné par de multiples postes de directions vacants et le manque grandissant d’expertise au sein de la fonction publique.
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«Nous souhaitons accélérer la transformation numérique de l’État», a déclaré le sous-ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Pierre E. Rodrigue, lors d’un forum international de Cybersécurité, qui se déroulait à Lille en France, du 5 au 7 avril derniers.
Comme promis pour 2025 par le ministre Éric Caire, le ministère veut compléter l’identité numérique pour chaque Québécois, qui auront accès à un portefeuille de services avec l’État utilisant la reconnaissance faciale.
En pleine tourmente en raison des ratés à la SAAQ et ceux du système de paie gouvernementale, Québec doit présenter sous peu sa nouvelle stratégie de transformation numérique. La loi oblige tous les organismes publics et les entreprises du gouvernement à établir un plan d’ici le mois de juin prochain.
Peu d’expertise
Or, 25 postes de direction, sous le ministre Éric Caire, sont vacants, selon le plus récent organigramme mis en ligne par Québec.
Par exemple, le sous-ministre adjoint à la transformation numérique gouvernementale, Jonathan Kelly, assume par intérim quatre autres postes de direction, incluant celui du centre d’expertise en automatisation et en intelligence artificielle.
Puis, alors que le Canada et le Québec sont la cible d’attaques informatiques prorusses, deux postes cruciaux à la sécurité de l’information gouvernementale et à la cybersécurité sont occupés de manière intérimaire parce qu’ils sont vacants.
Les postes de directeurs de la prévention, de la détection et de la gestion des incidents et celui du Centre opérationnel de cyberdéfense ne sont pas comblés, alors que le sous-ministre base sa stratégie «sur l’analyse de risque et des menaces.»
Départs multiples
Pire encore, le recours aux sous-traitants bat des records (voir plus bas).
Grâce à une prime de 10% du salaire qui a été instaurée en 2020, le Québec a réussi à engager des professionnels des technologies de l’information durant la dernière année.
Néanmoins, près de 300 salariés ont quitté le navire seulement au MCN, selon nos sources. Ainsi, il manque encore une cinquantaine de professionnels afin de combler les effectifs.
Postes névralgiques
Le ministère peine à remplacer les départs à la retraite et à garder l’expertise. «Ce ne sont pas toujours les meilleurs qui sont là», a signalé une source au fait du dossier.
Québec cherche principalement des spécialistes de la cyberdéfense, de la cyberprotection et de l’intelligence artificielle.
La lettre d’entente qui permet l’ajout d’une prime est venue à échéance le 31 mars dernier. Elle est toujours active, pour le moment, en raison des négociations avec le Conseil du trésor. Elle stipule que le gouvernement se réserve le droit de la révoquer.
Caire a échoué à mettre fin à la dépendance aux sous-traitants
Le ministre Éric Caire a échoué à mettre fin à la dépendance du gouvernement en matière de sous-traitance en informatique, malgré une promesse de régler ce problème. Jamais la proportion de ressources externes n’aura été aussi élevée.
Depuis l’élection de la CAQ et la nomination d’Éric Caire à titre de responsable du numérique, cette proportion a augmenté de 6% pour atteindre 34,3% en 2022. C’est du jamais vu.
Durant cette même période, le nombre de sous-traitants externes est passé de 2552 à 3864. Pire encore, le nombre de postes vacants en TI pour l’ensemble de la fonction publique est passé de 991 en 2018 à 1091 en 2022.
Cela représente 12,8% des postes, indique le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ). «Éric Caire a échoué à mettre fin à la dépendance du gouvernement envers la sous-traitance, pire, le problème s’est aggravé sous son ministère qui n’offre toujours pas des salaires compétitifs par rapport au privé», explique Christian Daigle, le président du SFPQ.
Pourtant, Éric Caire avait promis de «mettre fin au déficit chronique de performance» et de remplacer 30% des consultants privés en informatique par des ressources internes.
Le ministre de la Cybersécurité et du Numérique est loin d’avoir respecté sa promesse. Au contraire, le portrait ne fait que se dégrader.
L’an dernier, Le Journal titrait aussi que la dépendance empire sous le règne de la CAQ.
Dérive coûteuse
Par ailleurs, le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) a sondé ses membres au sujet de la sous-traitance et le portrait n’est pas reluisant. Le président soutient que le nombre de contrats pour des ressources externes atteint des seuils alarmants, surtout en matière informatique.
«Parmi les faits saillants de ce sondage, nous constatons que 53,2% des personnes sondées signalent que leur direction confie des contrats de service professionnel en sous-traitance. Du lot, l’informatique et les technologies de l’information ressortent de manière prépondérante, car pour 51,3% des personnes, la part la plus importante du travail de supervision de la sous-traitance s’effectue dans ces domaines», indique Guillaume Bouvrette, président du SPGQ, signalant qu’il s’agit d’une dérive coûteuse.
«Les membres du SPGQ ayant participé à l’étude observent que, sur 5 des 10 principaux domaines confiés en sous-traitance, les taux journaliers moyens chargés par les consultants sont environ deux fois supérieurs à ceux des ressources internes», dit-il.
Proportion des sous-traitants en forte croissance
2016
- Internes: 5973 (71,4%)
- Externes: 2388 (28,6%)
- Postes vacants: 707
2017
- Internes: 6185 (72,9%)
- Externes: 2297 (27,1%)
- Postes vacants: 876
2018
- Internes: 6427 (71,6%)
- Externes: 2552 (28,4%)
- Postes vacants: 991
2019
- Internes: 6749 (70,8%)
- Externes: 2787 (29,2%)
- Postes vacants: 842
2020
- Internes: 6967 (69,9%)
- Externes: 3141 (31,1%)
- Postes vacants: 971
2021
- Internes: 7134 (67,4%)
- Externes: 3455 (32,6%)
- Postes vacants: 1162
2022
- Internes: 7406 (65,7%)
- Externes: 3864 (34,3%)
- Postes vacants: 1091
(Sources: ministère de la Cybersécurité et du Numérique et Secrétariat du Conseil du trésor)