Il ne faut pas encourager le travail des enfants!
Facal

Je vais à l’épicerie. De l’autre côté du comptoir de la charcuterie, l’enfant qui me sert a-t-il 14 ans ?
Il semble manipuler la trancheuse pour la première fois. Les tranches de jambon sortent épaisses comme des steaks.
Hypocrisie
Je sors troublé. La scène est devenue banale. Ils ont 12, 13, 14 ans, tout au plus.
Nous ne sommes pas en Afrique, où des enfants doivent travailler pour ne pas crever de faim.
Il y a combien de familles au Québec qui ont vraiment besoin d’un troisième salaire au point d’envoyer travailler un enfant ?
Le ministre du Travail, Jean Boulet, veut faire adopter une loi pour imposer 14 ans comme âge minimal pour travailler.
Des exceptions sont prévues : animateur de camp de jour, aide aux devoirs, gardiennage d’enfants, etc.
Et c’est ici que ça commence à déraper solide.
Des petites entreprises font des pieds et des mains pour être incluses dans la liste des exceptions.
« Mon commerce va fermer sinon », « ce sera très formateur pour eux », « c’est l’avenir du secteur qui est en jeu », etc.
Je ne doute pas que des parents, eux-mêmes élevés à la dure, ressortiront les classiques : « apprendre la vraie valeur de l’argent », « les vertus de la discipline et du travail », « ça forge le caractère », « ils apprendront à gérer un budget », etc.
Ils n’auront pas le temps plus tard ?
La palme de l’hypocrisie revient cependant à M. François Vincent, un dirigeant de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
Il y a présentement 90 000 jeunes de moins de 14 ans au travail. La FCEI voudrait les garder sur le marché du travail malgré la loi en préparation.
Ça se discute, mais M. Vincent a le culot de lâcher : « On pourrait briser 90 000 rêves ! »
Quels rêves ? Ceux de qui ? Tout ce qui intéresse la FCEI, c’est de garder au travail ces enfants payés pas cher.
Il nous fait brailler avec la pandémie qui les a empêchés de voir leurs amis pendant deux ans.
Ils vont retrouver leurs amis dans l’entrepôt et non au parc ? Fumisterie !
Un fidèle correspondant que j’apprécie beaucoup, troublé lui aussi, m’écrit sur le sujet :
« Z’ont pas envie d’aller s’essouffler sur un terrain de sport, de se lancer en impro, de s’inventer des patentes du futur, de lire, écouter ou jouer de la musique ? Pourquoi y sont pas en train d’étudier, de participer à un ou des projets étudiants, de rêver, de juste rien faire en gang et profiter du moment présent ? »
Sage, il ajoute : « À la limite, qu’ils s’ennuient, ça fait partie de la vie aussi ».
Système
Ils n’auront qu’une enfance, elle passera très vite, et ne reviendra jamais. Qu’on ne les prive pas de ces années merveilleuses ! Ils passeront des décennies à travailler.
Est-ce que le système économique est au service des enfants ou est-ce que les enfants sont au service du système économique ?