Famille décimée dans un accident en 2021: le conducteur aurait-il dû avoir son permis?
Aucune accusation criminelle ni recommandation du coroner n’ont été déposées
Un père de famille ayant perdu sa femme et deux de ses enfants dans un violent accident de la route en 2021 à Saint-Jean-sur-Richelieu est furieux de constater que le conducteur fautif avait le droit de conduire malgré de sérieux ennuis de santé.
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«J’aimerais ça que des leçons se tirent, qu’on revoit les façons de faire, pour éviter d’avoir perdu ma famille pour strictement rien», lance Patrick Lachance, dont l’amoureuse, Karine Cloutier, et deux de leurs trois enfants, Éliot et Rose, ont péri.
Le trio, âgé de 42, 15 et 13 ans, revenait d’un entraînement de crossfit lorsque leur Kia Soul a été violemment emboutie à l’arrière par un imposant GMC Sierra.
Près de trois fois la limite permise
Malgré la limite de vitesse fixée à 50 km/h dans le secteur, il fut déterminé que l’automobiliste circulait à 142 km/h au moment de l’impact fatal, indique le rapport du coroner qui vient d’être rendu public. Aucune manœuvre d’évitement ni de traces de freinage n’a été observée.
Karine, qui conduisait, Rose, assise sur le siège passager, et Éliot, assis à l’arrière, n’ont eu aucune chance devant la force de l’impact. Ils ont été conduits à l’hôpital, où la mère de famille avait longtemps œuvré comme infirmière. Leurs décès ont été constatés peu de temps après.
Pas de suivi de la SAAQ
Le conducteur, dont nous tairons l’identité puisqu’il ne fait face à aucune accusation, souffrait de graves problèmes de santé. L’homme de 67 ans avait même eu un accident matériel avec son véhicule trois mois avant le drame. À la suite de celui-ci, des examens médicaux ont été menés. Les premiers tests n’ont rien révélé, alors la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) n’a pas approuvé la demande des policiers de lui suspendre son permis pendant trois mois. Ils n’ont pas non plus effectué de suivi.
Le mois suivant, on lui a découvert un anévrisme au cerveau. Cette condition provoquait chez lui de la confusion, un trouble de la parole et la paralysie du côté droit de son corps, note le rapport. Son dernier épisode remonte à deux jours avant le drame, alors qu’il est incapable de terminer ses phrases et cherche ses mots.
«Selon un membre de sa famille, depuis six à sept mois, il lui arrive d’avoir des moments d’absence quelques secondes», note le Dr André-H Dandavino, coroner au dossier.
Malgré tout, ni son médecin ni la SAAQ n’a jugé bon de réévaluer son aptitude à conduire.
«Je ne comprends pas, lance M. Lachance. Comment se fait-il qu’il conduisait encore? Si on analyse la scène, la vitesse et la distance parcourue avant de frapper le véhicule de ma famille, on réalise qu’il a été absent pendant un bon bout de temps. Je crois que son état de santé était plus grave qu’on pensait. On aurait peut-être dû investiguer davantage.»
Épileptique
D’ailleurs, dans les heures qui ont suivi la tragédie, une batterie de tests a été réalisée sur le conducteur. On a alors découvert que le sexagénaire souffrait également d’épilepsie.
Le père de famille, qui vit aujourd’hui seul avec son seul fils restant, s’explique mal comment le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a pu refuser le dossier de la police, qui suggérait de déposer des accusations criminelles. Le coroner n’a pas non plus émis de recommandations dans son rapport, comme c’est souvent le cas.
«Je savais déjà qu’ils étaient morts en vain, parce que tout ça n’a jamais fait de sens. Mais à la lumière de tout ça, j’en sors vraiment déçu.»