L'intelligence artificielle est un «danger pour la culture québécoise», estiment les scénaristes
«Nous avons des séries télé fantastiques qui sont le fruit de l’imagination d’auteurs. Qu’est-ce qui se passera si c’est remplacé par l’intelligence artificielle?»
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L'émergence de l’intelligence artificielle constitue un danger pour la culture québécoise, estime le syndicat qui représente les scénaristes qui créent des histoires en français pour la télé et le cinéma.
«Des œuvres sans auteurs, ça donnerait des œuvres sans coloration culturelle et sans goût», estime la directrice générale de la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma du Québec (SARTEC), Pauline Halpern.
Comme leurs confrères américains en grève de la Writer’s Guild Association, qui ont fait de l’intelligence artificielle un enjeu de la renégociation de leurs ententes collectives, les membres de la SARTEC craignent que les producteurs se tournent vers des applications comme ChatGPT pour obtenir des scénarios à une fraction du prix.
«J’ai peur de perdre cette originalité culturelle québécoise, qui est reconnue à travers le monde», affirme Mme Halpern, qui voit dans ces nouvelles technologies «un danger» pour notre culture.
«Ça fait des années qu’on se bat pour protéger cette culture, pour protéger notre langue, une pensée iconoclaste, une vision du monde très particulière qui s’exprime à travers nos documentaires, nos fictions. Nous avons des séries télé fantastiques qui sont le fruit de l’imagination d’auteurs. Qu’est-ce qui se passera si c’est remplacé par l’intelligence artificielle?»
Elle refuserait
Productrice de séries télé à qui on doit notamment Avant le crash, Les pays d’en haut et Mensonges, Sophie Deschênes exprime une inquiétude à l'inverse de celle de la SARTEC: que des auteurs en panne d’inspiration se servent de l’intelligence artificielle.
La présidente de SOVIMAGE assure qu’elle refuserait de produire un scénario qui aurait été créé à partir d’un logiciel comme ChatGPT en raison de son caractère public.
«Je ne le prendrais pas parce que je n’ai pas de garantie qu’il ne sera pas réutilisé à toutes les sauces une fois qu’il est dans le système», mentionne Mme Deschênes en évoquant des craintes liées au plagiat.
Une loi utile... pour le moment
Pour l’instant, la SARTEC estime qu’il existe chez nous des freins à l’utilisation de l’intelligence artificielle en scénarisation, le plus important étant la Loi sur le droit d’auteur.
«Telle qu’elle est interprétée actuellement par la jurisprudence, la loi prévoit que pour qu’une œuvre soit protégée par le droit d’auteur, il faut une forme d’originalité. Celle-ci prend la forme d’une intervention humaine. À l’heure actuelle, le droit d’auteur ne protège pas les créations nées de l’intelligence artificielle. C’est du moins l’interprétation que j’en fais et que d’autres spécialistes en font», soutient Pauline Halpern.
La question du droit d’auteur titille aussi Sophie Deschênes.
«Si j’utilise ChatGPT, est-ce que je suis détenteur des droits? Il y a quelqu’un à qui ça appartient, ce site», renchérit-elle.
«À l’heure actuelle, il y a beaucoup de questions sans réponses.»