Bien avant la guerre en Ukraine, des milliers de volontaires canadiens se sont aussi impliqués dans un conflit en Europe
Lorsque la guerre d’Ukraine a débuté à l’hiver 2022, des milliers de volontaires étrangers, incluant des Québécois, ont rejoint ce pays pour se battre contre les Russes. Cette histoire n’est pas sans rappeler les dizaines de milliers de volontaires qui sont accourus vers l’Espagne républicaine à partir de l’été 1936.
Une coalition de gauche appelée «Front populaire», incluant une forte composante communiste, venait de gagner les élections. L’armée, menée par le général Franco, tente de renverser le gouvernement. Le pays est scindé en deux. Une guerre civile, qui fera quelque 500 000 morts, commence.
Alors qu’Hitler et Mussolini appuient Franco, l’URSS et les partis communistes du monde entier fournissent des volontaires. On en dénombrera 35 000 en tout dans ce qu’on appelle alors « les brigades internationales ».
Terreur rouge
Au Canada, les rouges recrutent environ 1700 volontaires, regroupés dans «le bataillon Mackenzie-Papineau». La grande majorité des volontaires sont des communistes nés à l’étranger. Les Canadiens français sont peu nombreux; quelques dizaines en tout.
Au Canada anglais, il y a un réel appui pour la république, les «rouges», surtout à gauche. Au Québec, c’est une tout autre histoire. L’église québécoise condamne vigoureusement les républicains, même si les atrocités commises par les franquistes sont tout aussi horribles et plus systématiques que celles commises par les rouges. Le pape Pie XI appuie Franco; quelque 7000 prêtres, moines et sœurs seront assassinés par les républicains. Des milliers de religieuses sont aussi violées au cours de différents épisodes de violence qualifiés de «terreur rouge».
Le sort réservé à la tournée canadienne de Norman Béthune illustre le fossé qui sépare les deux solitudes. Avant de partir pour l’Espagne, le chirurgien fait la promotion de la cause républicaine. À Toronto, il est applaudi par des foules nombreuses. À Montréal toutefois, ce sont des foules de protestataires qui l’attendent. La police bloque même l’accès à un aréna où il doit prendre la parole. L’événement est déplacé dans un hôtel... sauf que le gérant de l’établissement sabote la conférence en coupant l’électricité!
Duplessis dénonce Ottawa
Le fait que les communistes recrutent des volontaires au vu et au su du gouvernement fédéral amène le premier ministre Duplessis à dénoncer les libéraux fédéraux, alors au pouvoir. Selon lui, «le gouvernement rouge» d’Ottawa fait preuve de mollesse face au communisme.
Cette critique fait mouche. En 1937, conseillé par son lieutenant québécois Ernest Lapointe, le premier ministre Mackenzie King réagit. Il fait voter la «loi sur l’enrôlement étranger». Le but est d’interdire la participation de Canadiens à la guerre et de mettre fin aux activités de soutien à la république.
La loi aura finalement peu d’impact. Les républicains perdent du terrain en Espagne et le flot de volontaires diminue. En 1938, les brigades internationales sont dissoutes. L’année suivante, Franco gagne la guerre et instaure une dictature qui durera jusqu’à sa mort, en 1975.
Norman Béthune un héros humaniste?
Le Canadien le plus célèbre ayant participé à la guerre d’Espagne est sans conteste Norman Béthune. Je vous ai déjà parlé de son rôle auprès du dictateur chinois Mao Tsé Tong. Cela m’a valu de nombreuses critiques, notamment celle d’Yves Boisvert, journaliste à La Presse. Qualifiant ma chronique «d’exécrable», il m’a accusé de nier l’humanisme de Béthune.
Ce grand chirurgien a fait avancer la médecine, absolument. Mais il a mis son talent au service d’une idéologie responsable de la mort de 94 millions de personnes!
L’adhésion de Béthune au communisme était si grande qu’il s’est rendu à Moscou en 1935, à l’époque de Staline. Le romancier français André Gide a fait lui aussi un tel voyage. Il a ensuite rompu avec le communisme, contrairement à Béthune.
Comme ce dernier, le célèbre auteur George Orwell a rejoint les brigades internationales. L’évolution du camp républicain vers le totalitarisme l’a horrifié. Craignant davantage d’être assassiné par les communistes que tué au combat par les franquistes, il a quitté l’Espagne. Cette expérience a inspiré son plus célèbre roman: 1984.
Béthune, lui, a continué de croire au communisme. Après l’Espagne, il a rejoint le Parti communiste chinois, l’une des pires institutions qui aient jamais existé dans l’histoire.
Par définition, on ne peut pas être un nazi et un humaniste. De la même façon, on ne saurait être un humaniste et un communiste. Il est fascinant de voir à quel point cette évidence échappe à certaines personnes.