La maladie du baseball: le nouveau virus qui brise les os
De plus en plus de joueurs touchés
La carrière d’un joueur des Rays de Tampa Bay est compromise. Il est frappé par une maladie qui se propage de plus en plus, spécifiquement parmi les joueurs du baseball majeur.
Les symptômes de cette maladie peuvent s’aggraver rapidement: ecchymoses, fractures des os et commotions cérébrales. Heureusement, il n’y a pas trop de complications pour l’instant pour ce joueur.
Ledit joueur, c’est Randy Arozarena, l’un des meilleurs jeunes du baseball majeur. Sa maladie, c’est de donner un spectacle. Il sourit, danse et exprime beaucoup ses émotions pendant les matchs. Et c’est dangereux, car il peut recevoir des balles rapides sur la tête à cause de cela.
En fait, il n’est pas malade du tout. C’est plutôt le milieu conservateur du baseball qui trouve que c’est une maladie, un virus à éradiquer: celui d’exprimer ses émotions et de faire un spectacle.
Arozarena a fêté un circuit samedi contre les Yankees et ça lui a valu d’être atteint deux fois par des rapides quand il s’est présenté au bâton par la suite.
Comme la peste
Dans tous les sports, c’est correct. Mais, au baseball, c’est comme la peste. On ne peut pas avoir l’air content ou fier.
Au football, les gars font des chorégraphies après un touché.
Au basketball, les joueurs font des «dunks» hallucinants, même si ça ne change absolument rien au nombre de points que ça donne.
Au soccer, le match arrête durant cinq minutes quand Lionel Messi marque un but. Le party est pogné.
Au hockey, Connor McDavid, un joueur plutôt conservateur, fait tourner son bras comme une hélice quand il marque en séries.
Arozarena pourrait donc faire ce qu’il veut dans n’importe quel sport. Mais au baseball, ça ne passe pas.
Il fait partie des centaines de jeunes joueurs qui sont en train de réformer le baseball par leur personnalité, leur style, leur transparence: ils célèbrent, dansent et rient.
Ils ont du gros fun. Ils font des «bat flip», lèvent les bras après avoir retiré un frappeur, se bombent le torse en regardant l’adversaire, paradent après des circuits.
Avoir du plaisir
Randy Arozarena est né à Cuba. À 15 ans, son père est mort. À 19 ans, il était très fort au baseball. Il a demandé à sa mère s’il pouvait fuir le pays. C’était la meilleure solution pour lui d’aller gagner de l’argent ailleurs pour aider sa famille qui restait au pays.
Il est embarqué sur un radeau et a risqué sa vie pour fuir le régime cubain.
Après avoir vécu tout ça, vous pensez qu’il la voit comment, la vie, Randy Arozarena, avec des millions de dollars en Floride?
Il a du plaisir! Il en profite. La vie est belle. Il sourit, il chante, il s’amuse... Quand un vétéran lui dit d’arrêter de sauter de joie ou de ne pas signer des autographes entre deux manches, il n’en a rien à cirer.
Il a donc frappé son circuit samedi et s’est arrêté sur la ligne du troisième but en se croisant les bras en souriant devant son instructeur qui était devant le banc des Yankees. En fait, Arozarena se croise toujours les bras comme ça après avoir réussi quelque chose de bon, après un circuit, à la fin du match ou après un double.
Mais là, les méchants et sérieux Yankees ont statué que ça n’avait pas de bon sens cette fois-ci. Boum! À ses tours suivants au bâton, le lanceur lui a envoyé une balle près des côtes et une autre sur le coude.

Avez-vous une idée comment ça peut être dangereux, une balle de baseball à 92 miles à l’heure? Dans le documentaire Fastball, des joueurs racontent qu’ils pensaient que leur vie était en jeu chaque fois qu’ils se présentaient au bâton contre Nolan Ryan.
Une quinzaine de joueurs sont morts dans l’histoire après avoir reçu une balle sur la tête dans le baseball professionnel ou collégial.
C’est ce que les fans veulent?
Arozarena n’est pas le seul à être atteint de la maladie. Plusieurs joueurs versent de plus en plus dans les émotions et sortent du stéréotype du joueur aux allures blasé, froid et stoïque.
Bryce Harper se montre les muscles, Vlad fils danse la salsa, Ronald Acuna fils gambade après un circuit et Wander Franco a inventé le «ball flip» avant de faire un relais. Jose Bautista a fait un «bat flip» qui est devenu un des plus grands moments de l’histoire du baseball au Canada.
Comme par hasard, quand on regarde les enfants dans les stades, ils ont très souvent des chandails de ces joueurs. Ce sont eux qui vendent de la pub et ce sont eux que les jeunes imitent au parc du coin.
Le Québécois Josue Peley est bien placé pour commenter tout ce débat. De 2017 à 2019, il a travaillé comme interprète des Blue Jays. Il était donc avec l’équipe en tout temps, dont dans l’abri.
C’était un débat «chaque jour», raconte-t-il.
«On avait des Jose Bautista, Marcus Stroman et Josh Donaldson» qui étaient très expressifs et «d’autres qui étaient plus de la vieille école», raconte-t-il.
Selon lui, il est temps que le baseball «évolue». Peley est «révolté» qu’Arozarena ait été atteint deux fois.
«Il n’a rien fait de mal. Il est toujours comme ça. Ça n’a pas ralenti le jeu, ça n’a fait mal à personne. Il a fait sa petite célébration et a recommencé à jouer son match [...] et après on lui lance des rapides sur lui. C’est le seul sport où l’on voit ça. Et le lanceur, lui, ne sera pas puni. Il n’y va pas, au bâton».
Josue Peley voit d’un bon œil le spectacle que les jeunes joueurs veulent donner. «Moi, j’adore ça! N’oublions pas que c’est un spectacle. Quand tu paies 120 $ pour aller voir un match, tu veux voir un spectacle. Il faut changer la mentalité», poursuit-il, en précisant que la limite demeure le respect.
Mais dans la culture du baseball, un rien semble devenir un «un manque de respect», alors que toute une équipe de football peut danser la macarena après un touché sans que ce soit perçu comme un geste irrespectueux.
C’est ridicule. Il est temps que les mentalités changent. Que le baseball évolue. Car c’est, effectivement, un spectacle au bénéfice des fans, et non à l’orgueil conservatrice abrutissant de certains joueurs.