Québec se prive de l’aide des physiothérapeutes pour désengorger les urgences
Les physiothérapeutes pourraient voir jusqu’à 30 % des patients qui se pointent pour des problèmes musculosquelettiques
Les physiothérapeutes estiment qu’ils pourraient désengorger les urgences de la province, en voyant jusqu’à 30 % des patients, si le gouvernement ne se privait pas de leur expertise.
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«Pourquoi le gouvernement passe-t-il à côté d’une solution?», s’interroge le président de l’Association québécoise de la physiothérapie, Simon Dalle-Vedove. Il déplore ne pas avoir été appelé à s’exprimer devant la Commission sur le projet de loi 15 sur la réforme du ministre de la Santé, Christian Dubé.
«Les besoins sont énormes actuellement [...] On parle des médecins, des infirmières praticiennes spécialisées ou des pharmaciens, mais on ne voit pas les physiothérapeutes dans le plan d’accès à la première ligne», se désole M. Dalle-Vedove.
Pourtant, une étude menée au CHU de Québec a démontré qu’environ 30 % des patients se pointent à l’urgence avec un problème musculosquelettique, comme une entorse ou des douleurs à l’épaule ou lombaires, et que la prise en charge par un physiothérapeute peut réduire le temps d’attente.
Il s’agit de patients avec une cote de P3 à P5, dits non prioritaires.
- Écoutez Simon Dalle Vedove, président de l’Association québécoise de la physiothérapie au micro de Philippe-Vincent Foisy via QUB radio :
«Le modèle est simple: s’il y a un physiothérapeute sur place et que le problème pour lequel la personne se présente s’y prête, il peut faire l’évaluation, le diagnostic et déterminer la trajectoire de soins», explique le chercheur et professeur en réadaptation à l’Université Laval, Luc Hébert.
«C’est un poste innovant, qui permet d’utiliser nos compétences à notre plein potentiel», plaide M. Dalle-Vedove, soulignant que la majorité des physiothérapeutes œuvrent en cabinet privé.
280 physiothérapeutes prêts
Cependant, déjà plus de 280 membres de son association ont levé la main, dans un sondage l’an dernier, se disant prêts à aller prêter main-forte dans les urgences.
«Ça fait une différence importante», assure l’urgentologue Simon Berthelot au CHU de Québec. Près d’une cinquantaine de physiothérapeutes travaillent dans les urgences des cinq hôpitaux de la capitale, dans le cadre d’un projet-pilote.
Il rappelle que la loi permet déjà à d’autres professionnels, comme les physiothérapeutes, de voir des patients et de leur donner un congé de l’hôpital, sans l’aval d’un médecin.
Avec une population vieillissante, le Dr Bethelot salue aussi l’appui du physiothérapeute auprès d’aînés ayant fait une chute, par exemple, pour déterminer si les patients sont aptes ou non à rentrer chez eux.
Tout comme Simon Dalle-Vedove, il reconnaît que les patients ayant des troubles musculosquelettiques n’ont pas besoin de soins à l’urgence et pourraient ainsi être vus ailleurs.
«Mais les patients ne savent pas où se pointer. Ils n’ont pas facilement accès à un médecin de famille. Mais la porte de l’urgence est toujours ouverte et c’est utopique de croire qu’ils ne viendront pas», lance Simon Berthelot.
Analyse rigoureuse
Pour sa part, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) indique que les projets pilotes sont toujours en cours et que les résultats ne sont pas encore connus.
«Les résultats de ces projets innovants doivent faire l’objet d’une analyse rigoureuse et permettront d’approfondir les avantages de ce nouveau modèle de soins, ainsi que les possibilités de déploiement dans d’autres centres», répond par courriel la porte-parole Marie-Claude Lacasse.