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Immobilier: deux fois plus de courtiers abandonnent la profession

Ce mouvement de fuite n’est pas étranger à la détérioration importante du marché de l’immobilier depuis un peu plus d’un an

Marie-Pierre Lecat figure au nombre du millier de courtiers immobiliers de la province à avoir choisi de ne pas renouveler leur permis de pratique, à la fin avril.
Marie-Pierre Lecat figure au nombre du millier de courtiers immobiliers de la province à avoir choisi de ne pas renouveler leur permis de pratique, à la fin avril. Pierre-Paul Poulin, Journal de Montréal


Après y avoir consacré les 25 dernières années de sa vie, Marie-Pierre Lecat vient de choisir, comme plus d’un millier d’autres de ses confrères au Québec, de mettre un terme à sa carrière de courtier immobilier.

«Ce n’est pas facile, c’est comme un deuil. L’immobilier était ma passion, mais la pandémie a tout changé», confie la femme de Greenfield Park, en Montérégie. 

«Les visites express, les offres multiples, l’exclusion quasi systématique de ceux qui n’ont pas le luxe de jouer le jeu de la surenchère, ce métier a fini par m’écœurer. Ce n’est pas pour ça que j’avais choisi ce métier.»

Deux fois plus d’abandons

Le cas de Mme Lecat n’est pas unique. Depuis la fin avril, pas moins d’un millier de courtiers immobiliers – soit deux fois plus que par les années passées – ont fait le choix de ne pas renouveler leur permis de pratique auprès de l’Organisme d’autoréglementation de courtage immobilier du Québec (OACIQ), le chien de garde de l’industrie.

À la fin avril, la province dénombrait 16 800 titulaires d’un permis de courtage immobilier résidentiel, soit plus de 15% de plus qu’il y a cinq ans. La semaine dernière, soit une semaine après l’échéance de la période de renouvellement des permis, l’industrie ne comptait plus que 15 755 courtiers, une chute de 6% par rapport au mois précédent.

L’OACIQ a refusé de commenter ce mouvement de fuite de la profession. De son côté, l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) ne s’en surprend guère, estimant que le résultat des courses aurait pu montrer une désaffection encore plus grande de la profession.

Un marché qui dégringole

Alors que le marché de la revente continue de traverser l’une des pires périodes des vingt dernières années, l’heure est définitivement à la remise en question dans l’industrie, confirme Marc Lacasse, courtier immobilier et président du conseil d’administration de l’APCIQ. 

«Il y a tellement eu de gens qui se sont laissés tenter par la profession pour les mauvaises raisons pendant la pandémie, sans réseau ni expérience, et attirés par une fausse perception d’argent facilement gagné, qu’il fallait s’y attendre, affirme M. Lacasse. Lorsque les revenus ne sont pas au rendez-vous et que les dépenses d’exercice continuent de rentrer, il est normal que les gens se posent des questions.»

Et nulle région n’est épargnée. Malgré ses 19 ans de métier sous les couleurs de Re/Max, dans la région de Québec, Patrick Bouvier fait partie, comme Mme Lecat, de ceux qui ont choisi de ranger leurs pancartes il y a deux semaines. 

  • Écoutez la chronique économique avec Sylain Larocque via QUB radio :

Faire autre chose

«Je vous mentirais si je vous disais que je ne suis plus imprégné par l’immobilier. C’est une véritable passion qui n’est pas prête de me quitter. Mais après les années de pandémie et le stress lié à l’incertitude, j’étais prêt à passer à autre chose.»

À 59 ans, il est parvenu à se réorienter comme représentant, pour la région de Québec/Lévis, d’ExoSystème, une société spécialisée dans la conception d’aménagements extérieurs. Rétrospectivement, ce dernier a peu de regrets.

«Peu de gens se rendent compte à quel point le métier de courtier est demandant, tant en temps qu’en argent. En partant, avant même de trouver ton premier client, il te faut prévoir des frais d’au moins 40 000$ annuellement (permis, logiciels, frais d’agence, assurances, formations, publicités, etc.).»

S’il admet avoir connu de bonnes périodes, il a aussi connu de longs mois de disette, sans un seul dollar de revenu pour son travail. « Faire 5, 6, voire 8 offres d’achat, toutes refusées, avec des clients qui, découragés après des semaines d’insuccès, décident de tout arrêter pour retourner en loyer, ça aussi ça fait partie de la vie des courtiers», dit-il.

Retour en arrière

Avec près de 15 800 courtiers en exercices actuellement, leur nombre est revenu à son niveau d’il y a 18 mois. Au 1er janvier 2022, le Québec comptait 15 798 courtiers, soit 7% de plus qu’un an plus tôt, au plus fort de la pandémie. Plus de 70% des titulaires de permis au Québec exercent à Montréal, Laval et en Montérégie.

Comme M. Bouvier à Québec, Marie-Pierre Lecat ne ressent pas encore de regret d’avoir laissé son permis. Aujourd’hui dans la soixantaine, elle œuvre maintenant à l’administration du parc immobilier d’un tiers, sur la Rive-Sud de Montréal.

«Même si j’ai adoré ce métier, je n’y trouvais plus de plaisir. Servir mes clients était ma passion. Mais comment voulez-vous faire devant 30 offres concurrentes? Leur conseiller de mettre 100 000$ de plus que le prix demandé? Leur dire d’acheter sans inspection ni garantie légale? C’était contre ma conscience professionnelle. De cette triste période, je suis certaine: je ne m’en ennuierai jamais.»

Le nombre de courtiers redescend * 

  • 2017: 14 336 
  • 2018: 14 611
  • 2019: 14 662 
  • 2020: 14 772 
  • 2021: 15 798
  • 2022: 16 685
  • 2023: 15 826

* Au jour du 31 décembre de chaque année. Pour 2023, le chiffre à ce jour du 12 mai 2023.  

Source : Organisme d’autoréglementation de courtage immobilier du Québec (OACIQ)







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