30 ans sans coupe: la passion crée trop de pression
Théodore

J’avais espoir que la finale de la coupe Stanley opposerait enfin deux équipes canadiennes, mais les Maple Leafs de Toronto et les Oilers d’Edmonton sont en vacances.
Pour ajouter l’insulte à l’injure, les Leafs ont été battus par une équipe de la Floride et les Oilers, par une formation du Nevada ayant vu le jour en 2017. On va donc passer un 30e été d’affilée où la coupe Stanley aura été gagnée par une équipe américaine.
C’est un phénomène inquiétant, et personne ne peut dire quand cette disette s’arrêtera. Notre sport national a perdu des plumes, même si nous produisons encore d’excellents joueurs.
On dirait que notre passion joue contre nous. Elle ajoute de la pression sur les équipes canadiennes, tant sur les dirigeants que sur les joueurs.
Difficile de reconstruire
Au Canada, les amateurs acceptent difficilement les reconstructions et dans ce sens, on fait exception à Montréal depuis l’arrivée de Jeff Gorton et Kent Hughes à la tête du département hockey. Pendant 20 ans, on a tourné en rond et pas besoin de vous rappeler que le plan de cinq ans de Bob Gainey n’a pas très bien fonctionné.
J’espère donc que Gorton et Hughes continueront d’être patients et ne brûleront pas les étapes. Ils sont en voie de bâtir une équipe qui sera solide pendant des années, mais il manque encore quelques morceaux.
Un autre facteur attire mon attention. On cherche rapidement des coupables quand ça ne fonctionne pas. Par exemple, lorsque les Leafs perdaient 3-0 dans la série contre les Panthers, les quatre vedettes de l’équipe étaient pointées du doigt, soit Auston Matthews, John Tavares, Mitch Marner et William Nylander.
Même le DG des Leafs, Kyle Dubas, paniquait dans sa loge. Dans ces moments, tout le monde essaie d’en faire un peu trop. Résultat ; on cesse de jouer en équipe et on devient vulnérable. La différence dans cette série, c’est que les Panthers étaient soudés contrairement aux Leafs.
Autre indice ; trois des quatre meilleurs marqueurs des séries sont des Oilers, soit Connor McDavid (20 points), Leon Draisaitl (18) et Evan Bouchard (17). Pourtant, ils affichent tous des différentiels négatifs respectifs de -1, -1 et -4 et au total, douze Oilers sont dans le rouge,
L’équilibre en priorité
Au Canada, les vedettes doivent produire et souvent, elles trichent. Elles finissent par négliger l’aspect défensif et c’est contre-productif. Même un joueur de 3e trio ou de 4e trio qui connaît un certain succès essaie d’en faire un peu trop parfois.
Les Oilers et les Leafs ont été construits pour l’attaque, mais dans le hockey d’aujourd’hui, on gagne avec de l’équilibre. L’offensive, c’est super en saison, mais en séries, ça prend quatre trios qui se défoncent, des défenseurs fiables et deux bons gardiens de but.
J’ai hâte de voir ce qui va se passer à Edmonton et Toronto. Est-ce qu’on peut se départir de joueurs à plus de dix millions comme Draisaitl ou Matthews contre deux défenseurs de cinq millions ou un défenseur et un gardien de but de premier plan? On verra.
Aux directeurs généraux respectifs de trouver des solutions. C’est beau une grande vedette, mais qui a eu le meilleur dans l’échange d’Eric Lindros des Nordiques aux Flyers en 1992? Les Nordiques ont reçu six joueurs, dont Peter Forsberg et deux choix de repêchage sans parler de 15 millions de dollars. Malheureusement pour Québec, l’équipe a déménagé au Colorado en 1995.
On ne reverra pas un échange du genre, mais Matthews et Draisaitl ont une grande valeur. Reste la clause de non-échange qui ne devrait pas exister selon moi. Ça nuit aux équipes canadiennes ainsi qu’à la parité.
– Propos recueillis par Gilles Moffet
Entrefilets
L’émotion a battu le talent
Côté talent, les Leafs avaient l’avantage sur les Panthers, mais ces derniers ont joué en équipe et avec émotion. C’est ce qui a fait la différence en plus du jeu solide du gardien, Sergei Bobrovsky, qui connaît ses meilleurs moments en Floride. Les félins devraient toutefois avoir plus d’adversité dans la prochaine série contre les Hurricanes. Je prédis une victoire des Canes en sept parties. J’aime beaucoup leur entraîneur, Rod Brind’Amour. Matthew Tkachuk a vraiment pris sa place de leader au sein des Panthers.
L’absence de Pacioretty
Je parlais d’équilibre dans mon texte principal et je crois que les Hurricanes sont mieux équilibrés avec l’absence de Max Pacioretty qui n’a joué que cinq matchs, cette saison. Pacioretty aurait certainement aidé les Canes en saison s’il avait été en santé, mais en séries, je ne suis pas certain qu’ils avaient vraiment besoin de lui. J’aime le côté papier sablé des Hurricanes. C’est le modèle parfait pour exceller en séries.
Les Devils pas prêts
Les Devils du New Jersey ont surpris bien du monde, cette saison, et ils ont même battu les Rangers au premier tour. Ils ont énormément progressé et ils seront à surveiller. Le gardien recrue, Akira Schmid, était à court de miracles contre les Canes et le numéro un, Vitek Vanecek a vraiment déçu.
Pas de char à l’envers
Le côté agréable de jouer pour une équipe comme les Panthers, les Golden Knights, le Kraken ou les Hurricanes, c’est que les partisans sont derrière leur équipe à 100 % sans tomber dans les extrêmes. Personne n’a renversé d’automobiles de police après l’élimination des Leafs. Les gens ont tout simplement du plaisir à voir du hockey. Vous savez maintenant qui a gagné entre les Stars et le Kraken, mais au moment d’écrire ces lignes, j’espérais une victoire du Kraken et une finale de l’Ouest Seattle, Vegas.