Lâchez-moi avec les passeports
Il y a bien des personnes qui ont appris récemment que leur passeport contenait des symboles «importants» pour notre culture et de notre histoire. La statue de Terry Fox, le monument commémoratif du Canada à Vimy en France, la coupe Grey et la coupe Stanley ne seront plus illustrés dans le nouveau design de notre passeport.
Et il y a bien des personnes qui semblaient être attachées à ces illustrations. Rarement a-t-on vu autant de passion pour les images qui ornent un document de voyage. On se scandalise de ce qu’on considère comme la victoire du wokisme qui gangrènerait notre appareil étatique. On voudrait, selon certains, effacer, aseptiser et annuler notre culture au profit de castors et d’écureuils, érigés en symboles du consensus canadien. C’est ridicule, je sais.
On peut-tu se calmer?
Non, tout n’est pas scandale, tout n’est pas complot, tout n’est pas une insulte et tout n’est certainement pas politique.
Honnêtement, il est bien plus inquiétant de voir Pierre Poilièvre agiter notre passeport et de déchirer sa chemise que de voir que notre gouvernement a adopté des illustrations anodines et ridicules à la limite. Qu’il puisse considérer que les Canadiens peuvent être mobilisés contre Trudeau parce qu’il aurait enlevé sciemment des «symboles» de notre nation, c’est franchement une insulte pour notre intelligence.
Rappelons que ce sont les conservateurs de Stephen Harper, son père spirituel, qui ont retiré une toile d’Alfred Pellan pour la remplacer par un portrait de la reine dans le foyer du ministère des Affaires étrangères à Ottawa (avant que le gouvernement Trudeau ne remette le tableau une fois au pouvoir).
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Qu’on se comprenne bien, le nouveau design proposé n’est pas particulièrement beau ou profond ou symbolique. Mais il fait l’affaire. Lorsqu’on a abandonné le fameux soleil sur notre carte maladie, personne n’a crié au complot. Avec raison!
Parce qu’il faut revenir à l’essentiel: un passeport n’est pas un livre d’histoire. Il n’a pas pour objectif de nous éduquer sur nos symboles ou d’éduquer les douaniers des autres pays avant de le tamponner. C’est un document de voyage qu’on doit juger sur sa sécurité et sa durabilité. On peut le trouver beau, on peut le trouver moche, mais tant et aussi longtemps qu’il nous permet de voyager et rend difficile sa contrefaçon, c’est au bout du compte tout ce qui compte.
C’est un peu décourageant de constater à quel point on est à fleur de peau et soupe au lait et qu’un rien vient nous allumer. Il me semble que nous avons d’autres priorités on ne peut plus urgentes.