Bombardier se lève pour convaincre la Défense canadienne de ne pas favoriser Boeing
L’avionneur québécois veut s’assurer que son avion de lutte anti-sous-marine ne soit pas écarté des contrats militaires, tandis qu’Ottawa n’a de mot que pour le géant américain
OTTAWA - Déçu que le gouvernement fédéral n’ait toujours pas fait d’appel d’offres concurrentiel pour remplacer les avions de surveillance de l’armée, Bombardier Défense s’allie à General Dynamics Mission Systems–Canada pour convaincre Ottawa de ne pas écarter l’industrie aéronautique d’ici.
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«Bombardier et plusieurs autres entreprises canadiennes sont déçues que le Gouvernement du Canada n’ait toujours pas ouvert un processus d’approvisionnement concurrentiel, juste et transparent», indique au Journal la porte-parole de l’avionneur québécois Arevig Afarian.
Depuis plusieurs mois, la ministre de la Défence nationale, Anita Anand, flirte avec Boeing, qui propose de vendre aux Forces armées canadiennes 14 avions de surveillance P-8 Poseidon. Ces appareils remplaceraient notre flotte vieillissante de CP-140 Aurora, qui devra être remisée à compter de 2030. Le contrat de remplacement de ces avions en service depuis 1980 est évalué à plus de 5 G$.
La ministre et son homologue François Philippe Champagne, ministre de l’Industrie, ont même rencontré les représentants de Boeing lors d’une récente visite à Washington.
Dans ce contexte, General Dynamics Mission Systems-Canada et Bombardier craignent qu’un contrat ne soit conclu de gré à gré avec le géant américain. Elles veulent pouvoir avoir elles aussi l’oreille du gouvernement.
Pour convaincre, General Dynamics mise sur sa notoriété comme fournisseur international de technologies de lutte anti-sous-marine et de solutions aéroportées utilisées à des fins de renseignement, de surveillance et de reconnaissance. Ses systèmes se retrouvent notamment à bord de puissants sous-marins nucléaires.
Pas le même avion
L’appareil Global 6500 que propose l’avionneur québécois est cependant fort différent de celui de Boeing. Plus petit, il n’est pas non plus équipé pour lancer des torpilles dans sa version originale, ce qui serait nécessaire en situation de combat maritime. Bombardier se dit prêt à s’adapter aux besoins en modifiant son appareil et dévoilera plus de détails techniques à la fin du mois.
Mais Norbert Cyr, ancien du ministère de la Défense et de Oerlikon Aerospace, doute que l’avionneur québécois et son allié puissent compétitionner contre l’avion «extrêmement avancé» de Boeing qui est en plus déjà déployé et utilisé par nos alliés.
«Bombardier promet d’intégrer des systèmes, mais ça n’a jamais été fait. Ça crée des risques, c’est-à-dire des délais et des coûts supplémentaires, explique-t-il. Alors que le Poséidon, c’est du clef en main.»
Des emplois ici
Mais Bombardier et General Dynamics brandissent l’argument économique, dont la création d’emplois de haut calibre et de nombreuses occasions à saisir pour les petites et moyennes entreprises et la communauté scientifique au pays. Le Global 6500 est fabriqué à Montréal, Ottawa et Mississauga, puis assemblé à Toronto.
«Bombardier emploie plus de 11 000 personnes au Canada œuvrant dans divers secteurs et a une incidence importante sur la croissance économique canadienne. Bombardier a eu une contribution de près de 5,7 G$ au PIB en 2021, et la majeure partie étant concentrée dans les régions métropolitaines de Montréal et de Toronto», souligne Ma Afarian.
Toutefois, M. Cyr prévient que «dépenser des fortunes pour que ce soit un contrat canadien, c’est un faux bon investissement», si en fin de compte ça nous coûte plus cher et qu’on doit faire des concessions sur les performances.