Hockey: l’autre avenue vers les pros
Des programmes scolaires d’ici permettent aux jeunes de jouer quelques matchs aux États-Unis
Pour bien des parents de jeunes joueurs de hockey, il n’y a qu’un chemin qui mène aux plus hauts échelons de la pyramide, le hockey junior majeur. Pourtant, il y a un monde de possibilité que les académies de hockey veulent offrir aux jeunes qui pensent en dehors du cadre.
Nous avons rendu visite à Ulysse Académie et aux NPU Rebels, deux programmes qui ont pour objectif de développer de bons citoyens et surtout de bons étudiants en se servant du hockey pour parvenir à leurs fins.
« Le meilleur réseau pour signer des joueurs professionnels en ce moment, c’est la D1 de la NCAA avec 38 % des contrats, insiste François Marcoux, fondateur d’Ulysse. Les joueurs de 20 à 24 ans vont jouer entre 28 et 32 matchs et ce sont ces gars qui jouent pro, après.
« Oui, la route rapide junior fonctionne, mais tous les autres qui auraient avantage à faire le chemin long seraient plus développés physiquement. J’enlève la finalité du hockey. Tu vas te rendre où la vie veut que tu te rendes. »
École avant tout
Tant chez Ulysse, dont les quartiers sont situés à Saint-Roch-de-l’Achigan, que chez les Rebels, qui sont établis à Pierrefonds, on met l’accent sur l’école avant tout.
« Les gars sont en classe à 9 h 30. Ils peuvent avoir un entraînement sur l’heure du dîner, ils retournent en classe et auront ensuite un entraînement en fin de journée. Ils ont quatre heures de cours par jour », précise Scott McLeod, qui dirige le volet scolaire des Rebels.
Du côté d’Ulysse, le hockey est la carotte qui est offerte aux jeunes pour leur bon rendement sur les bancs d’école.
« On avait une vision selon laquelle les gars ne devaient pas manquer d’école et depuis le jour un, nous sommes mandataires auprès de l’école secondaire l’Odyssée de La Plaine, précise François Marcoux. Pour participer, il faut avoir de bonnes notes, ne pas être en retard dans les devoirs et ne pas avoir d’échec. »
Tout ça a évidemment un coût, soit entre 12 000 $ et 15 000 $ selon l’une ou l’autre des académies, mais on est bien loin des programmes préuniversitaires américains qui peuvent coûter de 30 000 $ US (40 000 $ CA) à 40 000 $ US (53 000 $ CA) annuellement.
Diplôme
Chez Ulysse, dont la majorité des équipes intégreront le RSEQ l’an prochain, on offre le programme complet avec des formations U12, U14, U16 et U18. Chez les Rebels, on mise sur les U16 et U18.
« Sur les plans académique et sportif, il n’y avait pas beaucoup d’options pour les joueurs qui ne font pas le midget AAA, précise le fondateur des Rebels, Daniel Deschatelets. On voulait aussi les garder à l’école le plus longtemps possible et favoriser leur développement. »
Par leur association avec la Northern Pre-University, les Rebels peuvent offrir un programme incluant une 12e année qui vient avec un diplôme d’études secondaires de l’Ontario. Les jeunes peuvent faire leur parcours en français ou en anglais et ils viennent de partout au Québec et en Ontario. L’équipe compte même un Français.
« On frôle le 100 % de diplomation, dit fièrement Scott McLeod. Dans les six dernières années, un seul jeune n’a pas terminé et c’est seulement parce qu’il a finalement choisi de faire une technique. Le taux de placement universitaire de nos finissants est de 100 % et la majorité reste au Québec. »
Changement
François Marcoux, qui mène Ulysse depuis près de vingt ans, soutient qu’il a observé un changement de mentalité dans les dernières années.
« Les premières années, les parents et les joueurs rêvaient de la LHJMQ, mais je voyais qu’il y avait une tendance vers les rangs universitaires.
« Maintenant, je n’ai plus de joueurs de 15 ans qui me disent qu’ils veulent jouer junior majeur. S’il y en a un qui veut le faire, je vais tout faire pour l’aider. »
Et c’est en allant jouer aux États-Unis que les deux programmes peuvent permettre à leurs joueurs d’être vus.
« On va jouer environ 25 matchs aux États-Unis où il y a plus de visibilité pour les jeunes qui veulent atteindre un niveau supérieur. On joue quatre matchs par fin de semaine, c’est plus facile pour les recruteurs américains qui ne viennent plus vraiment voir les jeunes Québécois, ils ont en masse de joueurs chez eux », explique Daniel Deschatelets.
Ulysse a ouvert les yeux de Desharnais
L’histoire de Vincent Desharnais en est une de persévérance qui l’a mené du programme Ulysse jusqu’aux Oilers d’Edmonton, où il joue maintenant avec Connor McDavid.
Le grand défenseur de 6 pi 6 po a roulé sa bosse. Il a passé deux saisons chez Ulysse et celles-ci résument bien la suite des choses pour le choix de septième ronde des Oilers qui a passé la NCAA, l’ECHL et la Ligue américaine avant de réaliser son rêve.
« Je suis arrivé chez Ulysse à 15 ans, j’ai toujours été un jeune qui travaillait fort, j’avais l’éthique de travail col bleu de mes parents. Le personnel d’entraîneurs d’Ulysse m’a donné de belles valeurs. Au début, je trouvais ça difficile, mais je les ai écoutés. »
Autre chemin
Desharnais, un défenseur à caractère défensif, a vécu une grande déception en étant ignoré au repêchage de la LHJMQ.
« J’avais dit à plusieurs équipes qu’elles le regretteraient », mentionne François Marcoux.
Pour Desharnais, ce n’était toutefois pas la fin du monde.
« Ça m’a fait réaliser qu’il y avait plus d’un chemin pour me rendre à mon but, qui était la Ligue nationale. »
Après ses deux années chez Ulysse, Desharnais est passé par un programme préparatoire aux États-Unis pour ensuite disputer une saison dans la ligue junior de la Colombie-Britannique. Cette décision lui a ouvert les portes de Providence College, une formation de première division dans la NCAA, d’où il est ressorti avec un diplôme en management.
Reconnaissant
« Jouer chez Ulysse m’a donné de la visibilité dans tellement de ligues différentes. Je suis vraiment reconnaissant d’avoir eu un bon parcours scolaire parce que ça m’a ouvert beaucoup de portes. »
Si François Marcoux est fier de son ancien protégé, il se garde bien d’usurper son succès.
« Le jeune, de par ses valeurs familiales, sera travaillant et sera bien accompagné. Si Vincent Desharnais joue aujourd’hui pour les Oilers, ça lui appartient à 100 %. Il aurait été à n’importe quel programme, il n’aurait pas triché, il aurait travaillé, il avait le package pour réussir. »
Un projet né d’une simple idée
Quand il a créé le programme Ulysse en 2004, François Marcoux avait une vision et il a tout fait pour la concrétiser.
« Mes trois enfants étaient tous de bons athlètes en jeune âge et j’avais arrêté de jouer au hockey à 18 ans dans le junior. J’étais en génie mécanique et j’avais trop de devoirs.
« Mon gars commençait à être vraiment bon atome et pee-wee, et je voyais le secondaire arriver. J’ai fait un projet pilote pour mon fils et ses amis que je voyais grandir avec lui. On a commencé en 2004. »
Son gars, c’est le gardien de but Étienne Marcoux, qui a évolué pour l’Armada de Blainville-Boisbriand et qui a brièvement séjourné chez le Rocket en 2018-2019. Cette première cuvée incluait aussi Xavier Ouellet, qui a joué pour le Canadien.
On peut ajouter Vincent Desharnais, des Oilers d’Edmonton, et Jonahtan Aspirot, des Senators de Belleville de la Ligue américaine, à la liste des anciens du programme.
Son intention a toujours été de mettre les études au premier plan et, pour ce faire, il s’est assuré de bâtir un programme solide.
« Ma conjointe, Marie-Claude Baril, est technicienne en éducation spécialisée et c’est elle qui a créé le protocole. Si le ministre de l’Éducation devait écouter quelqu’un, ça serait elle. L’approche a complètement changé l’école l’Odyssée que fréquentent nos jeunes. »
Pour bien encadrer les jeunes athlètes, on a implanté un horaire à échelle humaine.
« Ils sont en congé le lundi. Le reste de la semaine, l’école finit à 14 h 15, ils sont à l’aréna de 14 h 30 à 18 h 30 et ils s’entraînent. Ça fait pas mal d’entraînement. »
On a aussi volontairement limité les voyages afin que les enfants ne ratent pas d’école. Les plus vieux font entre trois et six voyages et ceux-ci sont toujours effectués la fin de semaine.
Cadre professionnel
François Marcoux est ingénieur et il a largement contribué à la construction du Complexe JC Perreault de Saint-Roch-de-l’Achigan, où se trouvent les quartiers généraux du programme.
Il s’agit d’une superbe installation qui compte deux glaces et où Ulysse dispose de plusieurs milliers de pieds carrés. Les couloirs sont tapissés de photos d’anciens joueurs.
On y retrouve entre autres une salle d’études, des vestiaires qui leur sont réservés, une salle d’entraînement bien équipée, des cubicules d’études et une salle de détente.
Bien suivis
Au-delà du confort qui entoure les jeunes hockeyeurs, il y a tout le suivi que propose Ulysse. Ils ont une kinésiologue, un suivi pédagogique et tutti quanti. Et la vision sportive sort du cadre.
De plus, on met fortement l’accent sur l’entraînement plutôt que sur les matchs.
« On suit les ratios de la science. Pour les U12, c’est 24 matchs maximum. Le ratio d’entraînement devrait être sept heures pour une heure de compétition et nous autres, on a 19 h pour une heure.
« Dans le U14, c’est 28 matchs et du 16 pour 1 ; dans l’U16, c’est 36 matchs et ratio de 13 pour 1 ; alors que dans le U18, c’est 40 matchs et ratio de 12 pour 1. »
François Marcoux précise que les jeunes passent 4 h 30 par semaine sur la glace et plus de temps dans le gym.
« C’est là qu’on retire le plus de bénéfices, plus que sur la glace. Pour être explosif, c’est dans le gym que ça se passe. Les gens cherchent des recettes miracles, alors que c’est de l’entraînement de base. »