Une reconnaissance exceptionnelle pour les archives des Augustines
Elles sont inscrites à l’UNESCO pour leur «intérêt international»
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Minutieuses archivistes, les sœurs augustines ont amassé de précieux documents depuis 375 ans. Le patrimoine exceptionnel qu’elles ont préservé bénéficie aujourd’hui d’une reconnaissance rare de l’UNESCO.
L’entièreté des documents des Augustines est maintenant inscrite au Registre international de la Mémoire du monde de l’UNESCO et reconnue pour « l’intérêt international et la valeur exceptionnelle de ce patrimoine documentaire » pour l’humanité. Moins de 500 autres éléments documentaires sur la planète ont obtenu ce titre enviable.
Ce sont des experts archivistes de partout dans le monde qui ont étudié la candidature et ont apposé le sceau de l’UNESCO, souligne le responsable de la candidature, Denis Robitaille.
Les archives contiennent des documents officiels rares, mais aussi des chroniques de la vie quotidienne depuis 1639.
Il a fallu cinq ans de démarches pour monter la candidature. Les fonds d’archives historiques ont été regroupés au Monastère des Augustines, dans le Vieux-Québec. Ils peuvent être consultés sur place ou encore sur le web (https://archives.monastere.ca/).
Voici un aperçu des trésors qu’on y trouve.
De la vie quotidienne à Louis XIV
Les archives contiennent toutes sortes de documents, dont certains très anciens, datant des années 1630. On y trouve entre autres des extraits originaux des Lettres patentes signées par le roi Louis XIV qui permettent l’établissement d’une communauté de religieuses hospitalières à l’Hôpital général de Québec, en 1701. Mais aussi des annales qui décrivent la vie quotidienne, des plans, des actes, des contrats, des lettres de correspondance entre le Québec et la France. Les Augustines ont à travers ces archives richement documenté l’histoire collective du Québec et les grands événements qui l’ont marquée, comme les guerres et les épidémies. «À la lecture de ces archives, c’est le visage humain qui se dégage. Tu as des perles, là-dedans. C’est comme se faire raconter une histoire en temps réel», témoigne Denis Robitaille.
Rare registre des combattants de la guerre de la Conquête

Les Augustines ont tenu un registre des combattants qu’elles ont soignés à l’Hôpital général pendant la guerre de la Conquête de 1759, notamment pendant les batailles des plaines d’Abraham et de Sainte-Foy. Ce qui est «très rare», insiste Denis Robitaille. «À l’époque, quand les combattants mouraient, ils étaient enterrés sur le site de la bataille et on les oubliait.» Cela a permis de conserver l’unique registre de la guerre de Sept Ans. Les religieuses notaient les noms, les grades, les détails entourant les hommes. «Cela nous permet de comprendre le drame derrière les annotations comme cela.»
Engagement des femmes
La reconnaissance de l’UNESCO, c’est la mise en lumière du travail de ces pionnières, souligne Denis Robitaille. «On reconnaît que ces communautés de femmes ont participé à la construction du pays, à l’établissement des soins de santé et au développement social des milieux où elles ont implanté des hôpitaux.» Les sœurs se consacraient à soigner les malades, mais ont aussi accepté d’autres missions, comme celle d’accueillir les nourrissons dont les parents devaient se départir. Certains laissaient de petites notes, qui ont été conservées. Sur celle-ci, datant de 1815, les parents expliquent qu’ils doivent abandonner leur bébé «illégitime» né la veille et qu’ils souhaitent le prénommer James. Ils ont laissé en gage un bout de tissu dont ils ont conservé une réplique, dans l’espoir de «reprendre l’enfant dans quelques mois ou années s’il leur est permis».
Des archivistes hors pair
Dès la fondation de la communauté des Augustines au 17e siècle, les sœurs ont eu à cœur de conserver précieusement leurs archives. «En chaque Maison, il y aura un cabinet voûté avec la porte de fer», précise la constitution de leur Ordre, en 1666. Une sœur est nommée archiviste dans chaque communauté. «Elles savaient que l’histoire que les documents racontent a une valeur pour elles et pour le monde», souligne le spécialiste Denis Robitaille. Elles ont réussi à les protéger de grands drames comme l’incendie de l’Hôtel-Dieu en 1755 et la guerre de Conquête en 1759. Ce qui est «impressionnant», ajoute M. Robitaille, c’est que l’entièreté des archives des religieuses a été reconnue par l’UNESCO et c’est selon lui grâce à ce travail méthodique perpétué au fil des siècles.
