Crise du logement : forcée de vivre sur les canapés de ses proches malgré ses deux salaires
Incapable de trouver un logement à moins de 1700$ en location, elle cherche même à acheter
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Malgré deux emplois, une Vancouvéroise doit trimbaler toutes ses affaires dans son auto et dormir chaque jour chez différents proches depuis près d’un an puisqu’elle n’arrive pas à se trouver un toit après qu’elle a divorcé.
«Se dire qu’on travaille et qu’on ne peut rien se trouver, c’est vraiment difficile. Je pense que j’ai tellement pleuré en 9 mois qu’il ne me reste plus de larmes», confie Farzaneh Sani, dont toute la vie tient dans le coffre de son auto depuis juin 2022.
Après sa séparation, c’est son ex-mari des neuf dernières années qui a gardé la propriété qu’ils partageaient. La cohabitation n’étant plus possible, cette femme de 42 ans a entassé toutes ses affaires dans des sacs poubelle et a quitté la maison sans vraiment savoir où aller.
«Dans ma tête, je me disais: j’ai l’argent, je travaille à temps plein, j’ai de la famille, je vais trouver un endroit en une ou deux semaines et je serais sortie de cette situation. Mais les jours se sont transformés en semaines, puis en mois, et là, ça fait presque un an», s’exaspère celle qui a immigré d’Iran en 1997.
Chaque semaine, Mme Sani dort deux jours chez son grand frère, deux autres chez son petit frère, un autre chez une amie lorsque cette dernière n’a pas son fils à la maison.
«C’est pas mal d’organisation», raconte celle qui gagne environ 50000$ par an en travaillant comme consultante pour un organisme communautaire et comme superviseure de stages d’étudiants en éducation à la petite enfance.
Neuf mois de recherches
Depuis, elle recherche intensément un logement, en commençant par une location. Mais difficile de trouver quelque chose en dessous de 1700$ quand on veut vivre seule.
«Les loyers sont tellement élevés que souvent, ça dépasse les paiements d’une hypothèque, alors je regarde pour m’acheter de quoi», déplore celle qui travaille parfois plus de 51 h par semaine et qui ne prend jamais de vacances.
Mais là encore, elle ne fait pas le poids face aux investisseurs qui n’ont pas besoin de prêts hypothécaires.
«C’est sûr que les vendeurs préfèrent choisir un acheteur qui paie tout de suite plutôt que moi qui dois aller à la banque et attendre, même si j’ai déjà une préautorisation hypothécaire», estime-t-elle.
Après avoir déjà passé neuf mois à dormir sur des sofas ou dans sa voiture, elle envisage de vivre en colocation.
«Je n’y pensais pas avant parce que je voudrais pouvoir avoir une place juste à moi... Je pense qu’à mon âge, je mérite d’avoir un endroit à moi toute seule», dit-elle avec découragement.
De plus en plus loin
Si elle a d’abord souhaité vivre proche de son lieu de travail à North Vancouver, une ville située en face de Vancouver, elle a vite réalisé que ce n’était pas réaliste et qu’elle devait laisser rapidement tomber les critères de la maison qu’elle cherchait.
«Au début je voulais aller vivre dans tel endroit ou tel autre, mais rapidement je me suis rendu compte que ce n’était pas possible. Donc là, je commence à visiter des endroits à près de 1 h 30 de trajet [de son travail], je regarde de plus en plus loin», explique-t-elle.
La durée de trajet augmente tellement de plus en plus qu’elle pense ne pas avoir d'autre choix que de quitter son emploi principal pour se trouver quelque chose de plus pratique.
Pour ne pas être à la rue, ils vivent dans leur voiture
De plus en plus de gens se retrouvent avec la seule option de dormir dans leur voiture pour ne pas se retrouver à la rue à cause des prix des loyers indécents à Vancouver et sa banlieue.
«Ça fait environ un an que je vis comme ça. Malheureusement, je ne pense pas que je vais pouvoir vivre ailleurs que dans mon auto. Les prix ne font que monter», s’inquiète Paul, alors qu’il est en train de souper sur le siège avant de sa voiture garée à l’arrière d’un magasin Walmart de North-Vancouver, lors du passage du Journal.
L’homme de 60 ans, qui a demandé à taire son nom, n’a pas d'autre choix que de dormir dans son auto. Car les 1358$ qu’il reçoit mensuellement pour son invalidité pour cause de maladie ne lui permettent pas de s’offrir un logement.
Avant, il vivait avec un couple d’amis qui l’hébergeait. Mais après leur séparation, ils ont décidé de vendre leur maison.
«Aujourd’hui, je ne peux juste rien m’offrir», laisse-t-il tomber, en déplorant attendre un logement social depuis plus de 10 ans.
Nuit dehors
C’est sur son siège avant, incliné, qu’il passera la nuit, après avoir pris soin de couvrir chacune de ses fenêtres pour ne pas laisser entrer de lumière, explique-t-il.
Lorsqu’il n’a pas de rendez-vous médicaux ou avec l’assistante sociale qui le suit, il passe son temps dans les centres commerciaux de la municipalité de North-Vancouver.
«Deux fois par semaine, je vais dans des organismes pour prendre une douche et faire mon lavage», explique-t-il.
Le son de cloche est le même pour Remi Krzesniak, 53 ans, qui se préparait à passer une nouvelle nuit dans son automobile sur un stationnement de la plage Spanish Banks, dans le quartier de West Point Grey de Vancouver.
«Tout ce dont je rêve, c’est d’avoir un petit appartement où je pourrais travailler en télétravail et me remettre sur pied», laisse tomber celui qui bénéficie aussi de l’assistance sociale et qui s’est fait évincer.
Rêve impossible
Mais le rêve est de plus en plus hors de portée avec le coût de la vie qui augmente.
«Vivre dans sa voiture coûte extrêmement cher, lance-t-il. On ne peut pas stocker de nourriture donc on est forcé de manger des repas déjà prêts qui sont plus chers. On est obligé de se déplacer pour ne pas avoir de contravention, ça coûte de l’essence.»
Alors que la crise du logement ne fait que s’accentuer à Vancouver, M. Krzesniak s’inquiète de voir que de plus en plus de gens se retrouvent dans la même situation que lui.
«Ça fait 32 ans que je suis ici et que j’entends parler de cette crise du logement. Trente-deux ans que les politiciens ne font rien! Ils s’en foutent de nous», lance celui qui n’avait jamais imaginé finir dans la rue un jour.