Crise du logement : Les étudiants internationaux victimes des prix abusifs
Des propriétaires profitent de leur vulnérabilité pour faire grimper le prix des loyers
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Incapables de se trouver des appartements convenables à des loyers raisonnables, des étudiants internationaux se retrouvent à vivre entassés à plusieurs dans de petits logements qu’ils paient une fortune pour étudier à Toronto.
«Nous n’avons pas d'autre choix que de payer très cher, parce que quand tu vis dans un appartement à 600$, il faut accepter de vivre avec au moins six autres personnes dans deux ou trois chambres, et en ne partageant qu’une salle de bain et une cuisine», déplore Sukhman, 23 ans.
En moins d’un an, cet étudiant indien a déjà déménagé trois fois, soit à cause du prix des loyers, soit en raison de la qualité des logements, soit parce que des propriétaires véreux veulent se faire de l’argent sur son dos, affirme-t-il.
Comme lui, la plupart des étudiants étrangers qui arrivent de l’Inde s’installent dans la ville de Brampton, où une large communauté indienne est installée. Même s’ils paient des prix exorbitants, cela leur prend plus de 40 minutes pour venir étudier ou travailler au centre-ville de la Ville Reine chaque jour.
«Maintenant, j’ai un bon propriétaire, je pense que j’ai de la chance», dit-il, en expliquant tout de même payer 3100$ avec ses deux colocataires pour un appartement en demi-sous-sol.
Proprios qui profitent
Pour la plupart de ces jeunes immigrants, les propriétaires n’hésitent pas à clairement profiter de leur situation.
«Comme on arrive et qu’on ne connait pas les lois, on nous loue des sous-sols illégalement, on nous demande de payer deux mois de loyer d’avance, parfois même six», soutient Manish Tyagi, 24 ans.
Arrivé en septembre dernier d’Inde, cet étudiant loue avec son frère 2100$ par mois un appartement en demi-sous-sol avec une chambre et un bureau transformé en chambre.
«Pas le choix, c’était notre seule option», glisse-t-il.
Même chose pour Janelle Diaz, qui a immigré du Honduras.
«Les propriétaires nous demandent de leur donner des références, des relevés bancaires, mais ne veulent pas ceux de mon pays, donc ils demandent des paiements en avance», explique l’étudiante de 26 ans, qui paie 2600$ pour un demi-sous-sol avec trois colocataires.
Coincés
Étouffés par le prix de leurs loyers, tous enchaînent les heures dans des emplois au salaire minimum à côté de leurs études. Leur rêve canadien se transforme en cauchemar.
C’est sans compter les nombreuses heures de transport pour se déplacer dans la métropole.
«On ne peut pas partir, parce qu’on est ici pour avoir une meilleure qualité de vie et un avenir, mais la situation est très difficile», confie Navraj Syal, 24 ans.
- Écoutez le bulletin de nouvelles avec Alexandre Moranville, entre autres au sujet du prix des logements, au micro de Mario Dumont via QUB radio :
Redonner vie aux maisons de chambres décrépites pour sauver les plus démunis de la rue
Un organisme torontois sauve et rénove les maisons de chambres laissées en décrépitude pour que leurs habitants vulnérables ne se retrouvent pas à la rue.
«Il y a 25 ans j’ai réussi à vaincre mon alcoolisme le jour où j’ai eu cette chambre. Je n’ai jamais été aussi heureux depuis que j’y suis, même si je sais que c’était loin d’être du luxe. Aujourd’hui, j’ai peur de recommencer à boire parce qu’on me force à quitter mon chez-moi», laisse tomber Donald, un locataire d’une maison de chambres dans le quartier populaire de Cabbage Town, à Toronto.
À cause du manque d’entretien et des termites, les fondations du bâtiment, rue Wellesey, qu’il habite depuis presque trois décennies sont en piteux état.
«Ils auraient dû faire quelque chose avant, mais ils n’ont rien fait et à cause d’eux, je suis obligé de partir», laisse tomber l’homme de 70 ans dans sa modeste chambre, jaunie par les années qui ont passé.
Comme lui, un des six autres locataires s’inquiète de son avenir.
«Tout ce que je veux, c’est de la sécurité et de la paix d’esprit», réclame-t-il en demandant de taire son nom.
Immeubles en piteux état
Jennifer Moxon, responsable du développement communautaire pour l’organisme Dixon Hall, s’affairait à rassurer les deux hommes lors du passage du Journal.
«On travaille fort pour trouver un endroit où ils pourront vivre en attendant», explique-t-elle, en insistant sur le fait que les plus vulnérables n’ont plus nulle part où aller à Toronto.
L’organisme pour lequel elle travaille espère d’ailleurs pouvoir acheter l’immeuble où vit Donald pour réparer les fondations et créer de beaux espaces pour les plus démunis.
Le problème, selon elle, c’est que depuis que les différents paliers de gouvernement définancent la Toronto Community Housing Corporation (TCHC), société municipale d’habitation de Toronto, de nombreux logements sociaux et immeubles tombent en décrépitude.
«C’est au point que de certains sont en train de s’effondrer! Après, l’excuse est que le gouvernement n’a pas les fonds pour les réparer, donc vend ces propriétés publiques», s’inquiète Mme Moxon.
Dans certains immeubles du TCHC, des dizaines d’appartements ayant besoin de rénovations sont laissés vacants pendant plus d’un an.
«Parfois, il suffit juste d’un grand nettoyage et d'un coup de peinture, mais ça prend énormément de temps pour qu’ils le fassent», laisse tomber Jennifer Moxon, découragée.
Deuxième vie
Mais grâce à un partenariat avec la Ville de Toronto et la TCHC, Dixon Hall est en voie de remettre sur pied 44 chambres pour les plus vulnérables de la communauté. L’organisme avait été engagé par la municipalité pour prendre la relève dans la gestion et la réhabilitation de certains bâtiments qui devenaient inhabitables.
«Ce n’est pas tout de leur offrir un nouveau toit dans un bel édifice, on va aussi leur donner des services pour qu’ils se sentent soutenus», explique Mme Moxon.
Pour George, qui vit depuis près de 30 ans dans sa chambre rue Sherbourne, l’un des principaux problèmes de la TCHC, c’est que les locataires de ces habitations sociales sont laissés à eux-mêmes après qu’on leur fournit un toit.
«La plupart des gens ont des problèmes de santé mentale ici ou des problèmes de consommation, ils n’ont pas de suivis, personne ne vient les voir», déplore celui qui s’occupe aussi de l’entretien pour Dixon Hall.