Pénurie d'enseignants: le ministre Drainville lance un appel aux profs retraités
Le flou persiste sur les incitatifs financiers, déplorent les syndicats
Aux prises avec une pénurie d’enseignants sans précédent, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, lance un «appel à l’entraide» aux profs retraités afin qu’ils viennent prêter main-forte à la rentrée, sans toutefois leur garantir les mêmes incitatifs financiers qui étaient en place au cours des dernières années, du moins pour l’instant.
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M. Drainville a annoncé récemment au réseau scolaire qu’il fera parvenir début juin une lettre à tous les retraités qui enseignaient au préscolaire, au primaire, au secondaire et au collégial il y a cinq ans ou moins.
«Le grand défi de la rareté de main-d'œuvre nécessite encore aujourd'hui un engagement sans précédent de la part de chacun», peut-on lire dans cette missive, dont Le Journal a obtenu copie.
Dans ce contexte, le ministre les invite à «signifier [leur] intérêt» afin de «venir en appui» au réseau scolaire pour faire de «la suppléance, pourvoir un poste en enseignement ou accomplir d’autres tâches».
«Sous réserve des dispositions en vigueur dans les différents organismes scolaires, des incitatifs financiers pourraient s’appliquer», ajoute le ministre.
Une initiative «mal ficelée»
De leur côté, les syndicats d’enseignants saluent l’initiative, mais déplorent qu’elle soit «mal ficelée», considérant le «flou» entourant les incitatifs financiers.
Depuis l’automne 2020, les profs retraités qui souhaitent revenir faire de la suppléance peuvent être rémunérés au maximum de leur échelle salariale, sans être pénalisés sur leur prestation de retraite.
Cette mesure est toutefois en vigueur jusqu’à la fin juin et rien n’indique pour l’instant qu’elle sera reconduite pour l’année 2023-2024, puisqu’elle n’apparaît pas dans les règles budgétaires qui ont été soumises récemment au réseau scolaire pour consultation.
«Les discussions sur leur reconduction au-delà de cette date sont présentement en cours», indique-t-on au cabinet de M. Drainville.
«On les invite à revenir, mais on n’est pas capable de leur dire ce qu’on va leur offrir. C’est très particulier», laisse tomber la présidente de la Fédération des syndicats de l'enseignement, Josée Scalabrini.
«Ça part d’une bonne intention, mais on s’y prend mal», ajoute Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l’enseignement.
Les syndicats estiment que Québec devrait plutôt donner la priorité aux mesures qui permettraient d’alléger le quotidien des enseignants, afin d’améliorer leur rétention.
«On est en train de vider une chaloupe avec une chaudière qui coule, plutôt que de la réparer», illustre Mme Scalabrini.
Geneviève Sirois, professeure en administration scolaire à l'Université TÉLUQ, abonde dans le même sens. Avec les solutions mises en place jusqu’à maintenant pour contrer la pénurie, le ministre Drainville «tire partout à côté», déplore-t-elle.
«C'est un peu insultant pour les négos, alors que la recherche a très bien démontré que le cœur du problème se situe essentiellement dans les conditions de travail. Il faut davantage miser sur des solutions à long terme qui visent notamment à alléger la composition de la classe», dit-elle.
La missive qui sera transmise par le ministre Drainville aux retraités ne contient par ailleurs aucune nouvelle mesure pour les convaincre de reprendre du service, déplore Mme Sirois. «Comme si le simple fait de signer son nom allait être motivant», laisse-t-elle tomber.
Selon des chiffres du ministère de l’Éducation, un peu plus de 8600 enseignants ont pris leur retraite au cours des cinq dernières années.