«Restons jeunes, soyons wokes!»
Facal

J’emprunte ce titre à la grande sociologue française Nathalie Heinich. Vous verrez pourquoi dans un instant.
Né dans les universités, où il est devenu l’idéologie dominante, le wokisme déferle maintenant dans les médias, les arts, la fonction publique et l’entreprise privée.
Religion
À l’origine, il partait d’un bon sentiment: la sensibilité aux difficultés vécues par des groupes historiquement marginalisés.
Il pouvait donc avancer dissimulé derrière le très innocent: «Qui peut être contre ça?»
Le problème, ce sont ses façons de fonctionner: la censure d’œuvres, l’annulation de conférences, le cyberharcèlement, la disparition des faits inconvenants, la discrimination institutionnelle, la rééducation idéologique, le raisonnement circulaire («comme le racisme est partout, si vous ne le voyez pas, c’est la preuve qu’il se cache»), etc.
On connaît ses principales manifestations: la victimisation de l’immigrant, la génuflexion devant le croyant (sauf s’il est catholique), la sacralisation de quiconque n’a pas la peau blanche, la négation des fondements biologiques de la sexualité, l’islamogauchisme, la guerre «aux mâles», etc.
Puisqu’il fonctionne, pour l’essentiel, comme une religion, ses principales cibles sont, logiquement, la rationalité scientifique, la liberté d’expression et la laïcité.
- Écoutez la chronique de Joseph Facal au micro de Richard Martineau, disponible en balado sur QUB radio:
Mme Heinich relevait récemment ce qu’elle appelait les «mots fétiches» du vocabulaire woke: «stéréotypes hétéronormés», racisme «systémique», «déconstruction», «genre assigné à la naissance», «panique morale», «mâles blancs», écriture «inclusive», etc.
Je peux comprendre qu’un jeune de 20 ans avale tout cela : à cet âge, on veut des certitudes, on se cherche des causes, on construit son identité, on a soif de pureté et d’absolu.
Il est plus troublant de voir des gens ayant franchi la cinquantaine adhérer à cette nouvelle religion.
Et c’est ici que j’en reviens au titre de cette chronique.
Un woke qui a franchi la cinquantaine a deux obsessions fondamentales, avance Mme Heinich.
La première, c’est la «droite», méchante et omniprésente. La seconde, c’est la glorification de la jeunesse.
Vieillir
Je la cite (27 février, Observatoire des idéologies identitaires) :
«Voilà qui indique ce qui est probablement un ressort psychoaffectif profond de l’adhésion au wokisme : la peur de se retrouver dans le mauvais camp. À l’instar du “mieux vaut se tromper avec Sartre qu’avoir raison avec Aron” des années 1970, mieux vaut se tromper en restant bien au chaud dans sa gauche natale qu’avoir raison en risquant d’être désavoué par les siens : on ne dira jamais assez à quel point ce réflexe tribal explique une grande part du succès du wokisme – comme ce fut le cas naguère avec le stalinisme.»
Pour le dire autrement, vous avez 50 ans ou plus. Vous voyez la direction du vent. Vous voulez rester «dans le coup». Vous ne voulez pas être banni de votre camp.
Alors vous adhérez au nouveau discours à la mode parce que c’est celui des jeunes.
Au fond de cela, il y a, dit Mme Heinich, une «peur pathétique de vieillir».
Pour moi, c’est l’équivalent idéologique d’être accro aux chirurgies plastiques.