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Le grand risque pour Bazinyan

Erik Bazinyan
Erik Bazinyan a montré sa satisfaction lors de la pesée officielle, hier, avant son duel de ce soir contre Jose de Jesus Macias. Photo Vincent Ethier, EOTTM


Erik Bazinyan était attablé dans un coin du casino. Électrolytes, salade de fruits, tout pour mettre fin à cette folie qu’est la pesée officielle.

Le visage tellement émacié que j’ai hésité avant de lui parler. Je ne le reconnaissais pas. Tout d’un coup ç’aurait été un cousin quelconque. 

C’était bien Bazinyan. À 167 livres et demie. Tranquille comme d’habitude. Toujours aussi réservé. Aussi timide sans doute.

Bazinyan est la vedette internationale la moins connue au Québec. Ce jeune homme, originaire d’Arménie, parle français, sa troisième langue et est deuxième dans deux des fédérations internationales de boxe. Deuxième, avez-vous une idée de ce que ça veut dire dans la boxe mondiale ? Ça veut dire qu’on vous juge comme étant un des trois meilleurs des 1487 boxeurs professionnels de 168 livres sur la planète.

LE QUÉBÉCOIS MÉCONNU

Et là, il essayait de se réhydrater pour affronter Jose de Jesus Macias en finale au Casino de Montréal. Le même homme qui a mis knock-out Steven Butler au Mexique. Qui a tenu tête aux meilleurs des poids moyens. Autrement dit, une vraie commande. D’ailleurs, Camille Estephan était stressé après la pesée. Il a un boxeur qui a grimpé les échelons à coups de victoires et non de déclarations, il n’est pas encore vraiment populaire au Québec et voilà que ce boxeur qui arrive au moment précis où les gros payants sont à sa portée, doit affronter un Mexicain dangereux et capable de surprendre n’importe qui chez les gros noms d’une division.

Mais dans le fond, ce combat dangereux arrive à un bon moment dans la vie d’Erik Bazinyan. Quand je l’ai connu, il y a plusieurs années, il était un boxeur doué dont la vie était toute écrite. Une jeune femme brillante et aimante, un bébé, un père de bonne humeur qui lui servait de phare dans la vie et un grand projet. Pouvoir retourner un jour en Arménie revoir ses grands-parents et retrouver ses racines d’enfant.

DEUX DURES BATAILLES  

Je l’avais retrouvé un dimanche après-midi dans l’église arménienne au nord de Montréal. Il était avec Ara, son père, et le prêtre. On avait jasé. La vie était encore simple. 

Mais Bazinyan a été obligé de livrer deux dures batailles depuis ce dimanche.

D’abord pour retourner en Arménie. Après des années de lutte légale, il a réussi à obtenir du gouvernement arménien le droit de revoir les siens sans passer par le service militaire. Pour vous donner une idée, il s’est marié en Géorgie où 300 invités ont fait le voyage tellement le gouvernement était décidé à en venir à bout.

Finalement, l’an dernier, au sortir de la pandémie, Bazinyan s’est retrouvé chez les siens. C’est alors que le deuxième drame, l’effroyable celui-là, l’a frappé. Son père est mort d’une crise cardiaque. 

Il se retrouvait à 27 ans le nouveau chef de la famille. Il n’était plus le jeune Erik que son père conseillait et encourageait, il se retrouvait Erik, l’homme du clan, celui qui devait conseiller et encourager.

Le 23 mars, au Casino, avant le dixième round contre Alantez Fox, Marc Ramsay s’est planté devant son boxeur et l’a cinglé avec passion : « Arrête d’être gentil, je veux que tu le malmènes. Je veux que tu sois méchant avec ce gars-là. Ce round-là, va le gagner pour ton père », lui a crié Ramsay en le fixant dans les yeux.

UNE SCÈNE POIGNANTE

Bazinyan a été méchant. Il a été agressif. Il a gagné le round et le combat. Et quand l’arbitre a levé son bras, ses yeux se sont mouillés. 

Il savait qu’il était capable d’être l’homme du clan.

Ce soir, il doit faire la preuve qu’il est un vrai numéro 2 au monde. 

La vie accorde rarement de longs répits...







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