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Lévis veut récupérer les terres de Rabaska par expropriation

La Ville a adopté un avis d’acquisition par expropriation vendredi

À l'origine, le projet de Rabaska était d'aménager un terminal méthanier sur les terres de Lévis-Est.
À l'origine, le projet de Rabaska était d'aménager un terminal méthanier sur les terres de Lévis-Est. COLLABORATION SPÉCIALE / Journal de Montréal / AGENCE QMI


La Ville de Lévis a résolu d’acquérir par expropriation des terres appartenant à Rabaska, promises au Port de Québec, qui menace maintenant de retirer son offre d’achat.

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Le conseil municipal a adopté vendredi après-midi, lors d’une séance extraordinaire, une résolution visant l’«acquisition par expropriation» d’une partie des terres appartenant à la société Rabaska, situées dans le secteur Lévis-Est. Les lots visés représentent environ la moitié des 272 hectares qui appartiennent à Rabaska, à Lévis. L’objectif de la Ville est de «garder une emprise» sur ces terrains, a expliqué le maire Gilles Lehouillier, qui a dit agir dans l’urgence. «Il est minuit moins une.»

«Notre volonté c’est de s’assurer qu’il y a une partie de cet immense site-là qu’on va reconnaître à des fins municipales. C’est extrêmement important», a-t-il exprimé. «Si on attend deux semaines, peut-être qu’il va être trop tard.»

Le projet de port méthanier de Rabaska avait été abandonné en 2013. Les terrains sont convoités par le Port de Québec, qui a signé une offre d’achat en vigueur depuis quelques années. Si les terrains passaient entre les mains du fédéral, les possibilités d’action de la Ville seraient limitées, dit la Ville.

Le Port de Québec surpris

Le Port a appris avec «surprise» les intentions de la Ville de Lévis. Il a demandé en vain aux élus de surseoir à l’adoption de la résolution. Ce geste de Lévis envoie selon lui un « fort mauvais message, notamment à la communauté d’affaires locale, nationale et internationale », a-t-on fait valoir par communiqué. L’APQ menace de se retirer. «Pour le Port, il ne fait aucun doute que la présence d’un port et d’un chantier naval comme Davie constitue un pouvoir d’attraction important pour une région. Pour en tirer le maximum, il importe toutefois d’avoir une vision globale. Une expropriation partielle des terrains de Rabaska amènerait donc nécessairement le Port à réexaminer l’acquisition des terrains de Lévis-Est.»

Selon le Port, le geste de Lévis est «soudain, unilatéral et incompréhensible», compromet la réalisation de la zone industrialo-portuaire Québec-Lévis et «menace de plonger le développement du secteur dans des années d’immobilisme.»

Le maire Lehouillier affirme que le geste de sa ville n’est pas contre un promoteur. La Ville peut tout à fait agir en partenariat avec le Port, a-t-il répété. Les services juridiques de la Ville sont conscients des possibilités de poursuite, mais «on assume le risque», a dit le maire.

Vendredi, de nombreux citoyens étaient présents au conseil extraordinaire, convoqué à peine 24 heures d’avance. Cette précipitation a fait sourciller l’opposition de Repensons Lévis, dont les deux élus ont voté contre la résolution, en raison du manque d’informations.

Récemment, un groupe d’experts en aménagement du territoire, le GIRAM, s’était opposé à l’achat par l’APQ, appuyé par l’Union des producteurs agricoles, qui souhaite que les terres identifiées comme zone industrialo-portuaire soient retournées au sein du giron agricole. Les deux groupes, ainsi que plusieurs citoyens, se sont présentés au micro pour poser des questions sur les intentions de la Ville. 

Le but est pour l’instant de se constituer une réserve foncière, a fait valoir le maire. Les usages qui seront implantés sur ces terres ne sont pas encore déterminés, a assuré M. Lehouillier, qui indique que la population sera consultée. Mais il a réaffirmé que les lots sont dans une zone industrialo-portuaire et que la Ville vit une pénurie de terrains industriels. À un producteur agricole qui l’exhortait à formuler une demande au gouvernement pour qu’il réintègre les terrains au sein de la zone agricole, le maire a opposé une fin de non-recevoir.

La Ville «se ferait avoir à 100%»

Vendredi, Gaston Cadrin, du GIRAM, était ambivalent devant ce rebondissement. Il se demande ce qu’il adviendra de l’autre moitié des terres de Rabaska. Il constate tout de même que la Ville de Lévis semble se ranger aux arguments de son groupe. «La Ville voulait être partenaire avec le Port, mais ce dont ils se sont aperçus, c’est que s’ils étaient partenaires, ils se feraient avoir à 100%.» En laissant les terrains être acquis par le fédéral, la Ville perd sa capacité d’orienter le développement et le zonage, dit-il.

Du côté du Chantier Davie, le directeur des affaires externes et de la participation industrielle, Marcel Poulin, a indiqué que l’entreprise n’était pas au courant des intentions de la Ville et qu’elle ne ferait pas de commentaire. 

Quelques citations

«Nous, ce qu'on veut, c'est récupérer les 271 hectares. C'est le garde-manger des Québécois. On se bat jour après jour pour sauver chaque pouce carré de terre agricoles.»

— Jean-Paul Tardif, président du Syndicat de l'Union des producteurs agricoles de Lévis

«Je trouve ça inquiétant. J'ai vu la sortie du Port de Québec ce matin. Ça pourrait remettre en question leur implication. Je pense qu'il faut faire bien les choses, expliquer les intentions et travailler ensemble. C'est important, la collaboration.»

— Marie-Josée Morency, présidente-directrice générale de la Chambre de commerce de Lévis

«Ça met le Port de Québec sur la défensive. Il était probablement en recherche de financement pour l'ensemble [des terres]. Là, il n'a plus l'ensemble. Est-ce que les choses vont se dérouler comme il pensait, peut-être pas.»

— Pierre-Paul Sénéchal, président du GIRAM

«Quand on dit qu'il est minuit moins une, c'est qu'il y a une pression quelque part. [...] On veut le plus d'information possible pour que nos élus puissent se positionner comme il faut.»

— Elhadji Mamadou Diarra, Chef de Repensons Lévis







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