Pierre Fitzgibbon, le dogmatique qui ne croyait pas l'être
Léger

Qui est dogmatique, ici ? Ceux qui s’inquiètent qu’on agrandisse, en douce, la porte au privé pour la production de notre hydro-électricité, ou bien Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Énergie, et donc premier planificateur de notre économie, qui déclare ceci : « Le privé est plus efficient que l’État, en général, par définition. »
Ou encore, ceci :
« Moi, personnellement, je pense que le privé est mieux que l’État. C’est mon opinion personnelle. »
Ces deux déclarations ressemblent à ce que la CAQ dénonce, mais à l’envers, c’est-à-dire un dogmatisme favorable à l’entreprise privée.
Pourtant, à écouter plusieurs personnes, les « dogmatiques », ce serait plutôt les chefs du PQ et de QS, qui, dans un rare élan commun, plaident pour ne pas laisser une place plus grande au privé dans notre production d’électricité.
Dogmatique qui veut, au fond.
Privé à Hydro
Redonnons à François Legault ce qui lui appartient, il a bien affirmé qu’« il n’était pas question de privatiser Hydro »... Tout en n’appuyant pas une motion s’opposant à ce que des actifs d’Hydro-Québec, en tout ou en partie, ne soient pas vendus ou cédés au privé.
Cette controverse, donc, n’est pas une fabulation du PQ et de QS.
L’épouvantail levé, il est légitime.
C’est le ministre Fitzgibbon qui l’a levé en se disant ouvert à un apport plus grand du privé. « On manque d’électricité. Le Québec peut-il suffire à tout ? Non. Le privé a un rôle à jouer. On est ouvert à la discussion », a-t-il dit.
Elle vient aussi de la nomination de Michael Sabia à la tête d’Hydro, associé à la privatisation du Canadien National – et non pas d’un « Hydro-Québécois », soit une personne formée chez Hydro. Tout comme celle de Manon Brouillette, du privé aussi, à la tête du CA.
Les « top gun » de nos sociétés d’État, nommés par la CAQ ? À peu près tous issus du privé.
Ça commence à sentir le -présupposé favorable – peut-être même dogmatique – au privé pour les nominations en haut lieu.
Le privé chez Hydro
Dans les faits, on assiste déjà à une certaine privatisation à la pièce de notre production d’électricité. C’est le ministre péquiste Jacques Brassard qui avait ouvert la voie aux barrages privés en 2001.
Depuis, c’est vrai, le privé existe pour des petits barrages de moins de 50 MW, qui servent le développement régional et des peuples autochtones. Ou encore, pour certaines entreprises qui veulent autoalimenter leurs usines.
Et l’éolien, laissé lui aussi au privé, par le gouvernement Charest.
Ces privatisations ne sont pas catastrophiques – évitons d’être dogmatiques.
Mais à l’heure où Hydro sonne l’horloge pour augmenter sa production électrique, notamment par l’éolien, le solaire et même le nucléaire, comme M. Sabia l’a laissé entendre chez Mario Dumont, on peut s’inquiéter d’une privatisation par petits coups et petites décisions de notre production d’électricité.
Que des politiciens s’en inquiètent, ça relève davantage d’une fierté québécoise – à laquelle se badigeonne pourtant la CAQ – que d’un dogmatisme qu’on dénonce toujours à gauche, jamais à droite.
Retour en arrière
Revenons aux propos de Pierre Fitzgibbon.
Question purement rhétorique et hypothétique, je l’admets volontiers.
Avec des déclarations du genre, de quel côté pensez-vous que Pierre Fitzgibbon se serait assis lorsque venait le temps de compléter la nationalisation de l’hydroélectricité en 1962 ?
Celui de Lévesque et du gouvernement Lesage, ou bien celui du « trust de l’électricité » et de la Shawinigan Water and Power Company ?