Un hymne à l’amour de la langue française
Un homme blanc dans la cinquantaine publie une annonce inattendue : il va bientôt perdre sa langue à cause du cancer et cherche un porte-parole pour parler en son nom. Martin Talbot, écrivain imaginatif, scénariste et réalisateur, s’interroge au sens propre comme au figuré sur ce qui arrive lorsqu’on va perdre sa langue. Il transpose ainsi des préoccupations très actuelles en allégories, en chapitres, en réflexions, en jouant habilement avec les mots.
Perdre sa langue, perdre une langue, perdre la capacité de s’exprimer, perdre une identité : autant de questions sur lesquelles Martin Talbot se penche dans ce roman.
A-t-il peur pour la survie de la langue française au Québec ?
« C’est sûr. Pour que la langue continue de vivre, il faut qu’on la fasse aimer, qu’on la parle bien », observe-t-il.
« C’est un hymne à l’amour que j’ai fait, avec Ma langue étrangère. J’ai le goût que l’on continue d’aimer la langue française, de la parler, de bien la traiter. Et de ne pas la tenir pour acquise. Tu prends une langue qui nous est transmise, et c’est ton devoir de bien la transmettre aussi. Pour moi, c’est une question de legs et de transmission de la langue. C’est important de bien la parler, de bien l’écrire pour qu’elle continue de vivre, qu’elle continue d’exister. »
L’idée du roman lui est venue à un moment où il avait la langue engourdie. Il s’est inquiété et s’est mis à faire des recherches.
« J’ai spinné dans ma tête une couple de nuits en me disant : si je perds ma langue, qu’est-ce qui va arriver ? »
« Ma langue, c’est tout pour moi : c’est ce qui me définit, c’est ce qui fait qui je suis. Quotidiennement, je m’en sers pour évoluer, pour communiquer. Tout à coup, c’était comme si j’allais être une demi-personne, sans ma langue. »
Le moment d’inquiétude est passé. Il a cessé d’être engourdi.
« Évidemment, je n’avais pas le cancer de la langue. Mais l’idée est restée. Qu’est-ce qui arrive à quelqu’un qui perd sa langue et qu’est-ce qu’on devient ? Parfois, je travaille en anglais et je ne me reconnais pas. Ma personnalité change dans une autre langue. Pour moi, perdre ma langue, c’est comme si je perdais ma personnalité. »
Une allégorie
Comme il aime beaucoup jouer avec les allégories, il a pensé à une personne qui utilise mal sa langue et qui est persuadée que c’est parce qu’elle l’a mal utilisée qu’on va la lui couper.
« C’est quand tu sais que tu vas perdre quelque chose que tu y fais attention. Pour moi, c’était un peu ça, le message. On parle d’une allégorie, donc je joue sur le double mot du langage, et de la langue aussi, qui est l’organe. »
« Dans mon écriture, il y a de l’humour, il y a toujours une pointe d’ironie, mais aussi de la sensibilité et de l’émotion. Il y a toujours des choses vraies que j’ai à dire. »