Les dangers de l'intelligence artificielle pour l'écriture de nos enfants
Depuis l’arrivée fracassante de ChatGPT, plusieurs domaines d’activité se questionnent : sommes-nous toujours pertinents ou plutôt appelés à disparaître ? Car il est évident que l’IA transforme les façons de faire.
Or, lorsqu’il est question de pédagogie, la réflexion doit être poussée plus loin, à fortiori si on parle d’enfants et d’enseignement primaire. Au-delà de la performance et des résultats, c’est la formation intellectuelle et cognitive de nos enfants, qui deviendront futurs citoyens actifs, qui est en jeu. L’apprentissage de l’écriture, instrument essentiel de l’enseignement, va beaucoup plus loin que les technicalités de la grammaire et de l’orthographe qu’un logiciel intelligent peut soi-disant appliquer à la perfection.
L’écriture permet d’abord d’apprendre à penser. Et cela est essentiel.
Intégrer une machine qui écrit pour nous, c’est aussi laisser toute la place à ladite machine de penser pour nous.
Calculatrice
Les enfants doivent apprendre la base avant d’apprendre à jongler avec un outil qui générera un texte à leur place. L’écriture participe, bien entendu, au développement d’une langue donnée, mais elle stimule également la créativité, l’expression des émotions, le sens critique et le jugement humain. L’acquisition de l’écriture nous permet d’exprimer davantage ce que nous sommes. Et c’est sans compter le plaisir que procure l’écriture, plaisir dérobé par l’intelligence artificielle.
Une comparaison est possible avec la calculatrice, qui a fait son apparition dans les salles de classe dans les années 1970. Aujourd’hui omniprésente dans les écoles, même au primaire, elle n’a pourtant pas entraîné la suppression des apprentissages de base en mathématiques. Les élèves étudient toujours les tables, les équations de base ainsi que la résolution de problèmes, dont l’apprentissage est toujours essentiel.
De l’oral à l’écrit
Une autre comparaison, encore plus intéressante et surtout plus ancienne, n’a celle-là rien à voir avec les technologies. Socrate craignait, il y a près de 2500 ans, que l’écriture et la lecture n’éradiquent ou n’émoussent la réflexion et le discernement.
Le père de la philosophie occidentale croyait que l'écriture amènerait les gens à devenir dépendants de l’écrit, plutôt qu'à leur mémoire et à leur compréhension. Il présumait également que cela conduirait les gens à donner l’impression qu’ils savent tout, mais à ne rien apprendre.
Le temps a bien sûr démontré que le passage de la transmission du savoir de l’oral à l’écrit n’a pas affaibli la pensée critique, car les humains naissent chacun avec une personnalité qui leur est propre, et l’interprétation de ce qui est lu est donc naturellement teintée par celle-ci.
En tant que femme impliquée dans le développement de l’écriture chez l’enfant, j’ai à cœur de les aider à acquérir ces bases avant qu’ils n’en arrivent à demander à ChatGPT de générer un texte pour eux. Ils pourront alors réaliser eux-mêmes que le contenu produit manque peut-être de nuance ou encore qu’il ne reflète pas leur pensée. Les technologies sont créées pour AIDER l’humanité. Ne jetons donc pas le bébé avec l’eau du bain. Plusieurs outils technologiques existent pour aider nos enfants, tels qu’Antidote, WordQ, Lexibar ou encore la plateforme éducative Troubadour sur laquelle je travaille depuis plusieurs années et qui permet de développer le plaisir d’écrire.
Socrate dirait qu’il suffit d’exercer notre jugement, ce que ChatGPT ne peut nous offrir.
Tania Brouillard, directrice du développement des affaires, Nanomonx