Le ministère de l’Éducation a-t-il une réelle volonté de changement?
À la lecture du rapport de la Vérificatrice générale du Québec concernant le réseau de l’éducation, il y a certainement de quoi s’inquiéter. Ce qui devrait nous inquiéter encore plus, c’est la gestion qu’en feront les décideurs.
Le film L’ennemi aux portes présente un portrait historiquement assez fiable des sanglants combats pour la ville de Stalingrad durant la Deuxième Guerre mondiale. Dans ce film, on peut y voir un officier de l’armée soviétique expliquer aux fantassins qu’il y aura une carabine par paire de soldats et qu’il est attendu du soldat qui suit derrière qu'il ramasse la carabine de son camarade abattu pour poursuivre les combats.
Cela me fait penser à la façon dont le ministère de l’Éducation approche la pénurie de personnel. Plutôt que d’assurer des conditions gagnantes pour retenir son personnel en place, on utilise l’approche “chair à canon”. On appelle des enseignants à la retraite qui ont réussi à survivre à trente-cinq ans dans le réseau. On engage des dizaines de milliers de personnes ne détenant pas le brevet d’enseignement. On accorde maintenant des tolérances d’engagement à des personnes ayant uniquement une cinquième secondaire. J’imagine que le ministère de l’Éducation se dit qu’un peu comme les Soviétiques de l’époque, si on lance assez de personnes sur le champ de bataille sans se soucier des pertes, on finira par gagner la guerre.
- Écoutez l'entrevue de Richard Martineau avec Simon Landry, enseignant de la région métropolitaine via QUB radio :
L’importance d’un ordre professionnel
On peut facilement anticiper la réponse du ministère de l’Éducation à ce rapport: s’il y a 30 000 personnes non-qualifiées dans le réseau, il suffit d’inventer une qualification rapide et facile à octroyer à ces 30 000 personnes et comme ça, par magie, juste avant les prochaines élections, les enseignants non-légalement qualifiés dans nos écoles auront pratiquement disparus.
J’apprécie énormément l’apport de ceux et celles qui viennent prêter main forte au réseau. Malgré le fait que nous devons aider ces volontaires à s’organiser, planifier, corriger tout en complétant notre propre tâche, nous le faisons sans hésiter autant pour soutenir ces nouveaux collègues que pour la réussite de leurs élèves.
En revanche, en tant qu’enseignant légalement qualifié cumulant plus de vingt ans de services dans le réseau public québécois, je trouve que la situation est devenue insoutenable. Aucune autre profession ou métier n’accepterait un tel nivellement par le bas. Cette situation ne fait que renforcer l’importance de se doter d’un ordre afin de défendre la profession contre de telles attaques.
Une situation qui va s’empirer
Avec une telle vision de l’éducation, non seulement la situation va-t-elle perdurer, mais elle risque fort bien d’empirer dans les années à venir. C’est là un grand facteur de démotivation professionnelle pour ceux et celles qui ont décidé dès le début de faire de l’enseignement une carrière, plutôt que d’y voir un plan B.
Les solutions rapides et faciles à la pénurie enseignante n’existent pas. Il faut se doter d’un plan à long terme, parler au personnel qui œuvre dans nos écoles chaque jour. Des pistes de solutions existent, mais il faudra accepter de briser le statu quo. Si le ministère continue de consulter et d’écouter les mêmes lobbies que ceux des trente dernières années, nous obtiendrons les mêmes résultats.
Il faudra aussi accepter que la situation va s’empirer avant de s’améliorer. Cependant, avec une réelle volonté de changement et une vision à long terme, nous pouvons offrir à la prochaine génération d’enfants une éducation de qualité.
L’avenir de notre société en dépend. Qu’attendons-nous pour agir?
Simon Landry, Enseignant de région métropolitaine