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Rabaska: Lévis parlait d'aider le Port 4 jours avant d'exproprier

Le maire de Lévis, Gilles Lehouillier
Le maire de Lévis, Gilles Lehouillier Photo d'archives, Stevens LeBlanc


À peine quatre jours avant de surprendre tout le monde en expropriant la moitié des terrains de Rabaska à Lévis, l’administration Lehouillier promettait pourtant, en présence du gouvernement provincial, d’aider le Port de Québec à concrétiser son projet sur les terres qu’il s’apprêtait à acheter.  

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Grâce à l’accès à l’information, Le Journal a obtenu les communications entre la Ville de Lévis et le Port de Québec au sujet des terrains de Rabaska, depuis 2020. Le Port a déposé en 2017 une offre d’achat sur les 272 hectares, actuellement boisés et en culture. Les documents que nous avons consultés comprennent des courriels échangés entre les deux instances sur le sujet ainsi que des comptes rendus de rencontres. 

«Pas de projet»

Jeudi, interrogé sur les discussions entre Lévis et le Port au sujet d’un projet de ce dernier, Gilles Lehouillier affirmait: «Eux, ils ont toujours dit qu'ils n'avaient pas de projet. Moi, c'est ce que j'ai toujours entendu.» Or, les documents démontrent que le Port avait bel et bien un projet de port en eau profonde, que les discussions étaient avancées (voir l’autre texte) et que Lévis a même participé à l’élaboration d’une «entente de collaboration» pour le réaliser. 

Un comité de travail sur le projet «Lévis-Est» s’est réuni à plusieurs reprises depuis 2019 pour en discuter. La dernière réunion en lice date du lundi 29 mai dernier, soit seulement quatre jours avant l’annonce de l'expropriation, qui a eu lieu le vendredi 2 juin, lors d'une séance extraordinaire du conseil. La Ville de Lévis, le Port et le ministère de l’Économie étaient à la table. Selon les notes de rencontres, le Ministère souhaitait «raccourcir le temps requis pour le développement du site», la Ville de Lévis, représentée par son haut dirigeant Philippe Meurant, directeur du développement économique, a fait part de sa volonté d’«aider le Port à ce que le site soit prêt à l’investissement».  

Contradiction sur le manque de terrains

Pour justifier sa décision d’exproprier, Gilles Lehouillier a invoqué le manque de terrains industriels dans sa ville. «On ne dispose plus dans nos 14 parcs industriels d’aucun espace industriel», a-t-il dit en séance publique extraordinaire, le 2 juin, lors de laquelle le conseil a adopté la résolution pour l’expropriation.  

Or, sa propre administration, représentée par Philippe Meurant, disait le contraire, à peine quatre jours plus tôt. Le compte rendu de la réunion du 29 mai spécifie que: «Il [M. Meurant] rappelle que la raison du refus invoqué par le Gouvernement du Québec pour le changement de zonage du site de Lévis-Est est l’abondance de terrains vacants dans les parcs industriels sur le territoire de la Ville.» M. Meurant a pris sa retraite deux jours après la rencontre du 29 mai. 

Le Port avait bel et bien un projet industriel à Lévis-Est 

Publiquement, le Port a toujours dit qu’il n’avait pas de projet pour le secteur Lévis-Est et qu’il visait plutôt à se constituer une réserve foncière de terrains. Or, les documents consultés démontrent qu’un «projet» de «port en eau profonde» existait bel et bien et que les discussions étaient tellement avancées que le Port payait déjà des taxes. 

Dans une «entente de collaboration» élaborée en 2021 entre l’Administration portuaire de Québec (APQ) et Lévis, les parties conviennent que «l’APQ a le projet de devenir propriétaire du site afin notamment d’y implanter un port en eau profonde, de construire les infrastructures requises à l’exercice de ce type d’activité et d’opérer un parc industriel».  

Vrac exclu

La vision ne précise aucune industrie particulière. Elle exclut néanmoins le vrac. «Il n’y a pas de “business case” pour le vrac et [...] tout développement va se faire selon les bonnes pratiques en matière de consultations citoyennes et de protection de l’environnement», est-il discuté le 29 mai.  

Dès 2021, le Port est en démarches pour attirer des promoteurs. «Comme vous travaillez régulièrement avec IQ [Investissement Québec] et autres pour l’attraction de projets majeurs d’investissements industriels potentiels dans le secteur Lévis-Est, c’est précisément ce qui m’amenait à vous proposer de nous mettre tous à niveau dans ce dossier, dans le but de préparer le terrain en ce sens», écrit au Port en mars de cette année-là l'ancien directeur du développement de Lévis, Philippe Meurant.  

Le Port payait les taxes

Les documents démontrent aussi que le Port, qui a une hypothèque de 6,75 millions $ sur les terrains, avait commencé à payer les taxes à la place de Rabaska, depuis 2020.  

De plus, lors des nombreuses rencontres du comité sur Lévis-Est qui ont eu lieu, il est régulièrement question d’une foule de sujets techniques et on y discute de planification des infrastructures comme le chemin d’accès que le Port souhaite utiliser pour accéder au terrain, la façon de connecter un éventuel projet aux réseaux d’aqueduc et d’égout municipaux, l’accès à la voie ferrée, la gestion des rejets pluviaux. 

Le 29 mai 2023, le ministère de l’Économie parle même de «faire le pont avec Énergir et Hydro-Québec qui seront essentiels au développement du site».  

On discute aussi de financement. Le Ministère se dit prêt à financer «à 60% l’étude de préfaisabilité avec Énergir dans la mesure où la Ville de Lévis et l’APQ paient le reste». Le mandat estimé à 300 000$ devait être octroyé prochainement. 

L’«entente de collaboration» n’a jamais été signée. Selon nos informations, elle a été présentée aux hautes instances du Port, qui ont refusé de l’entériner, entre autres parce que la Ville de Lévis ne s’engageait pas à modifier le zonage pour permettre la vocation industrialo-portuaire sur la totalité des 272 hectares. Notons qu’en ce moment, la moitié du vaste terrain permet l’implantation d’industries.  

Quant à la contestation du groupe GIRAM, qui déplorait la vente des terrains au Port, les intervenants autour de la table le 29 mai la jugeaient «prévisible». «Pour le reste, il y a peu d’opposition», disent les notes de réunion. 

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