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La ministre invisible de l'Habitation

La crise du logement s’est non seulement étendue, elle s’est complexifiée. Ses visages sont maintenant multiples. L’itinérance en est le plus visible, mais il est loin d’en être le seul

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La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau PHOTO D'ARCHIVES, AGENCE QMI


La montée rapide de l’itinérance fait enfin les manchettes. Grâce à la colère amplement fondée des maires et mairesses du Québec, les gouvernements Legault et Trudeau pourront plus difficilement se défiler.  

Au Québec seulement, plus de 10 000 personnes sont sans domicile fixe. Incluant 3000 femmes. Du jamais vu. Une hausse de 44 % en cinq ans.  

La première cause, mais non la seule, est une crise du logement ignorée depuis des années par les trois paliers de gouvernement.  

Vendredi, au Sommet municipal de l’itinérance tenu à Québec, la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, était même aux abonnés absents. Inouï, non ? Seul son collègue Lionel Carmant était présent.  

Plus étrange encore, l’agenda quotidien des ministres fourni par le bureau du premier ministre, indiquait que Mme Duranceau, ce jour-là, n’avait qu’une seule activité : une « prise de parole » devant un CPE de son comté. 

Son absence spectaculaire au sommet laisse surtout supposer qu’au même bureau du PM, on aurait craint de laisser aller la ministre dans un forum aussi miné politiquement. 

D’autant plus qu’elle tend à gaffer sur une crise du logement dont elle ne semble saisir ni l’ampleur, ni la complexité, ni les vraies causes et encore moins les solutions possibles.  

Comment oublier l’invitation surréaliste à « investir dans l’immobilier », qu’elle avait lancée aux locataires qui ne pourraient plus céder leur bail si son projet de loi 31 était adopté tel quel ? Un peu plus et elle leur reprochait de ne pas être aussi riches qu’elle.  

Droit ou marchandise ? 

Mais était-ce vraiment une gaffe ? Ou n’était-ce pas plutôt la réaction spontanée d’une ministre pour qui ses propres investissements dans l’immobilier ont été payants ? Bref, pour qui le logement n’est pas un droit, mais une marchandise.  

C’est là que le bât blesse. Si, au conseil des ministres, Mme Duranceau est incapable de défendre les intérêts bafoués des victimes de la crise du logement, qui le fera ?   

Cela dit, au-delà même de la ministre, l’important sera dans la « commande » que passera ou non François Legault à ses troupes. Exigera-t-il de ses ministres un travail concerté pour combattre les crises du logement et de l’itinérance ? Ou favorisera-t-il un marché le plus libre possible et l’envoi de chèques « ciblés », mais insuffisants, à certains groupes de personnes ?  

Sera-t-il prêt à travailler de concert avec les villes et le gouvernement Trudeau ? Et vice-versa. Comment expliquer qu’un fonds fédéral pour le logement de 900 millions $ dorme encore à Ottawa en attente d’un accord entre les deux gouvernements ? 

Des réponses à ces questions cruciales découlera l’amélioration ou la détérioration de la situation.   

Visages multiples 

Parce que les trois paliers l’ont ignorée longtemps, la crise du logement s’est non seulement étendue, elle s’est complexifiée. Résultat : ses visages sont maintenant multiples. L’itinérance en est le plus visible, mais il est loin d’en être le seul. La plupart sont invisibles. C’est d’être obligé de choisir entre se nourrir et payer son loyer. Obligé de rester dans un appart insalubre ou en mauvais état. 

Obligé de croupir sur d’interminables listes d’attente pour des logements sociaux ou abordables toujours non livrés. Ou évincé pour de fausses raisons. Ou pris à la gorge parce qu’on est sur l’aide sociale ou à petit salaire. Etc. 

Les trois paliers de gouvernement peuvent agir sur tous ces fronts. Idem pour la crise de l’itinérance. Elle aussi pour cause d’inaction des décideurs, ses visages sont aujourd’hui multiples. J’y reviendrai demain.  

Or, d’autres pays, dont la Finlande, ont réussi à réduire grandement l’itinérance. Comme quoi, devant une crise humanitaire, tout est question de volonté politique, de cœur et d’intelligence. Point.    







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