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Gestionnaire et administrateur,
la voie royale pour devenir député

Les facultés de droit et les cabinets d’avocats ne sont plus le tremplin par excellence pour les aspirants politiciens québécois. En 2018, place aux gestionnaires et aux administrateurs. Ce sont eux qui sont les plus représentés dans les partis politiques, révèle notre analyse des candidatures en vue du scrutin d’octobre.

Pour cette troisième radiographie des candidats, Le Journal s’est intéressé à leur formation et à leur profession.

Les filières de la gestion, de l’administration, de l’économie et du commerce sont les plus représentées: on y retrouve 30% des candidats, tous partis confondus. Une même proportion de candidats occupent un poste de direction dans un organisme ou entreprise. Fait intéressant, on compte pratiquement autant de femmes que d’hommes dans cette catégorie d’emploi.

Les enseignants sont aussi très impliqués en politique. L’enseignement représente le deuxième métier le plus pratiqué jusqu’à présent chez les candidats (15%), suivi de ceux dans le domaine des communications (14,5%). Viennent ensuite les avocats et les notaires (11%).

Lutte contre le déficit

La popularité de la filière de la gestion dans les partis politiques ne serait pas étrangère au fait que des efforts ont dû être déployés ces 20 dernières années pour éliminer le déficit.

«La première voie royale était les études en droit, explique Thierry Giasson, professeur au Département de science politique de l'Université Laval. Puis, en 1995, est arrivé Lucien Bouchard, un avocat, qui a dû composer avec un déficit budgétaire astronomique.»

Pour assainir les finances publiques, il est allé chercher des gens du milieu des affaires, comme François Legault, un entrepreneur de la nouvelle génération du Québec inc., ou encore Richard Legendre, qui avait été directeur des Internationaux de tennis du Canada.

«Il y a toujours eu des gens qui avaient fait des études de gestion, chez les parlementaires, mais, cette fois, on est allé chercher des PDG, des gens qui avaient créé des entreprises, pour apporter leur expertise dans le contexte particulier d’élimination du déficit», souligne le professeur.

À partir de ce moment, le gestionnaire issu du privé a pris du galon. «On nous vante les compétences de gestionnaire de dirigeants d’entreprise comme si c’était la panacée. C’est la nouvelle voie royale», ajoute-t-il.

Chaque formation politique a toutefois sa couleur. Voici donc les portraits des quatre partis représentés à l’Assemblée nationale, dressés à partir des 423 candidatures annoncées en date du 22 août.

CAQ: des gestionnaires et des communicateurs

C’est dans les troupes de François Legault que l’on compte à l’heure actuelle le plus de candidats ayant suivi une formation en gestion ou en administration (37%).

Lors du débat des chefs de 2014, François Legault, lui-même diplômé de HEC, vantait son parcours d’entrepreneur, affirmant être le seul chef à avoir créé une entreprise et de vrais emplois. En 2018, il veut se présenter comme le «premier ministre de l’économie», un thème cher aux libéraux.

À l’image de M. Legault, qui a fondé et dirigé Air Transat, 36% des candidats de la CAQ ont occupé ou occupent un poste de direction au sein d’une entreprise ou d’un organisme.

La CAQ se distingue également en étant le parti où l’on compte le plus de candidats issus du milieu médiatique, soit 21% (chroniqueurs, journalistes, animateurs, relationnistes, communicateurs). Par exemple, Marguerite Blais et François Paradis sont d’ex-animateurs vedettes. Vicky Michaud, dans Marguerite-Bourgeoys, est une ancienne journaliste.

PLQ: des présidents, des avocats et des députés

Historiquement, le PLQ se présente comme le seul parti de l’économie. Le tiers de ses candidats (35%) ont fait des études en administration, en gestion ou en économie. Mais le PLQ compte un peu plus de candidats qui occupent ou ont occupé un poste de direction dans une entreprise ou un organisme (38%).

Le domaine juridique arrive deuxième parmi ceux qui sont les plus représentés au PLQ, 19% des candidats du parti étant avocats, notaires ou juristes. Conformément à une longue tradition libérale, le PLQ est, des quatre partis, celui où l’on rencontre la plus forte concentration de candidats issus de ce domaine.

Le PLQ est aussi l’équipe la plus «expérimentée», 46 de ses candidats ayant été élus au provincial ou au fédéral; le PQ suit avec 27, puis la CAQ avec 22, et enfin QS, avec 2 candidats.

Les candidats ayant de l’expérience dans l’administration municipale (conseillers, maires, préfets, etc.) sont aussi nombreux au PLQ qu’à la CAQ (13%).

Finalement, le PLQ compte aussi le plus de candidats issus de l’appareil politique (attachés, conseillers, employés de cabinet ou de ministère), soit 13%.

PQ: des administrateurs et des professeurs

Sous certains aspects, l’équipe de Jean-François Lisée s’apparente à celles de la CAQ et du PLQ. Par exemple, près du tiers (30%) de ses candidats ont étudié en gestion, en économie ou en administration. Ils sont cependant moins nombreux à avoir occupé un poste de direction (24%).

Historiquement, on retrouvait un plus grand nombre d’enseignants ou de gens issus des filières des arts et de la culture au PQ. Mais, en 2018, QS attire davantage les candidats ayant ce profil. Le PQ compte tout de même plusieurs enseignants (21%), mais QS, pour le moment, lui ravit la première place à ce chapitre. Il est toutefois à noter que le PQ accuse un retard dans les annonces de candidatures. C’est cependant au PQ que l’on compte le plus grand nombre de professeurs d’université (9 sur 18 enseignants).

QS: Des enseignants et travailleurs communautaires

Québec solidaire est le seul parti où les gestionnaires et les administrateurs ne dominent pas le classement des professions. Les formations dans les domaines des sciences humaines et de la santé sont les plus populaires chez les solidaires.

Le métier qui domine, dans l’équipe de candidats du parti, est l’enseignement (24%). Il s’agit surtout de professeurs du collégial (12 sur 26). Ayant été créé par des militants du communautaire, QS attire plus de candidats issus de ce domaine que les autres partis réunis (15%).

C’est aussi QS qui compte le plus de candidats ayant fait des études dans le domaine de l’environnement, même s’ils ne sont que 7%.

Sur les 14 candidats qui sont à la retraite au sein des quatre partis, neuf se retrouvent chez QS.

Le PQ est traditionnellement un parti réputé proche des syndicats, mais nos premières données révèlent qu’ils sont un peu plus nombreux dans le parti de Manon Massé, soit huit, contre cinq au PQ.

Les emplois originaux

Coalition Avenir Québec

  • Joëlle Boutin (Jean-Talon), pilote d’avion professionnelle et conseillère en relations publiques chez National
  • André Lamontagne (Johnson), député et pilote d'hélicoptère
  • Claude Bourbonnais (Vaudreuil), pilote automobile professionnel
  • Isabelle Charest (Brome-Missisquoi), triple médaillée olympique en patinage de vitesse et coordonnatrice des communications à la Commission scolaire du Val-des-Cerfs

Parti québécois

  • Gaétan Leclerc (Champlain), chanteur professionnel et mécanicien
  • Alexandre Huot (Montmorency), ambulancier
  • Elias Dib Nicolas (Saint-Laurent), chauffeur de taxi
  • Claire Vignola (Jean-Lesage), artiste peintre et artiste retoucheur

Québec solidaire

  • Aiden Hodgins-Ravensbergen (Huntingdon), directeur adjoint du Parc Safari
  • Zachary Williams (Robert-Baldwin), étudiant au Collège Dawson et préposé dans un garage de stationnement
  • Lucie Mayer (Prévost), chanteuse d’opéra
  • Guillaume Boivin (Louis-Hébert), avocat et chauffeur de taxi à temps partiel
  • Carl Lévesque (Marie-Victorin), facteur
  • Marie-Josée Forget (Anjou–Louis-Riel), comédienne, actrice et massothérapeute
  • Catherine Dorion, (Taschereau), auteure et comédienne

Parti libéral du Québec

  • François Whittom (Bonaventure), président de WO2 max et conseiller sportif et physiologiste de l’exercice pour les Flyers de Philadelphie
  • Enrico Ciccone (Marquette), commentateur sportif et ex-joueur de hockey professionnel
Pas tous des universitaires

Au moins 5% des candidats, tous partis confondus, ne détiennent qu’un diplôme d’études secondaires. François Vaes (PLQ), dans Johnson, a terminé son secondaire, mais a abandonné ses études en agriculture. Il est aujourd’hui propriétaire du Vignoble Bromont et directeur du centre de distribution chez Groupe Robert.

La libérale Lise Thériault, qui a dirigé plusieurs ministères depuis 2005, n’a que son diplôme du secondaire en poche et a commencé sa carrière comme réceptionniste.

«Le travail de parlementaire doit être accessible à tous les citoyens, affirme le professeur Thierry Giasson. Indépendamment d’où on vient, de ce qu’on fait, de notre classe sociale, on doit pouvoir aspirer à concourir à une élection.»

«Lors de la vague orange au fédéral en 2011, on a ri abondamment des députés du Nouveau parti démocratique qui était des monsieur madame tout-le-monde, ajoute-il. Mais plusieurs sont devenus d’excellents parlementaires. C’est un travail qui s’apprend.», ajoute-t-il.