Un artiste parmi Bernhari, Philippe Brach, Jérôme Couture, Valérie Lahaie ou David Portelance sera sacré révélation de l’année lors du gala de l’ADISQ le 8 novembre. Alors que les projecteurs se tournent sur eux depuis quelque temps, ces cinq artistes ont fait part de leurs impressions et de leurs appréhensions face à l’industrie de la musique d’ici.
Deux artistes découverts dans une émission de téléréalité, un auteur-compositeur faisant carrière depuis 20 ans, un jeune chanteur avec un univers coloré et un musicien avec un univers sombre et mystérieux. Les cinq artistes en nomination dans la catégorie révélation de l’année ne pouvaient être plus différents, cette année. Et Le Journal a eu l’idée de les réunir pour avoir leurs commentaires sur l’état actuel de l’industrie.
Depuis plusieurs années, on constate que les albums se vendent de moins en moins. Les gens consomment plutôt la musique sur des sites d’écoute en continu comme Spotify. Et l’assistance aux spectacles de musique diminue. Comment ces «jeunes» artistes arrivent-ils à s’accrocher à leur rêve dans ce climat un peu sombre pour l’avenir de la musique ?
«Je pense que tu n’as plus le droit de t’asseoir sur tes lauriers longtemps, aujourd’hui, reconnaît Philippe Brach. Tourner un album pendant quatre ans, je ne suis pas sûr que ça existe encore. Mais en regardant autour de la table, on voit la parfaite représentation qu’il n’y en a pas, de recette.»
«On ne fait pas ce métier-là pour faire de l’argent, ce n’est pas ça le but, dit Jérôme Couture. J’ai fait une téléréalité, mais je ne cherchais pas la popularité instantanée. Ça fait déjà dix ans que je gagne ma vie dans ce milieu-là. Commencer une carrière avec les problèmes actuels de l’industrie, ça pose de beaux défis pour l’avenir. Il faudra changer l’approche, trouver une autre façon. On n’aura d’autre choix que d’axer ça sur les spectacles.»
L’aîné du groupe, David Portelance, reconnaît que ses revenus principaux passent désormais par la scène, ou la présence à des émissions de télévision. «Je ne vais pas me battre contre le consommateur qui a facilement accès à la musique, dit-il. De la musique, si j’avais le choix de ne pas en faire, je n’en ferais pas! Parce que ce n’est pas ça qui met du beurre de pinottes sur mes toasts le matin. Mais j’écris des chansons parce que je ne peux m’en empêcher. Si j’étais capable de ne pas créer, je ferais autre chose... Et je ferais probablement plus d’argent!»
Des artistes passionnés, qui sont là pour les bonnes raisons, c’est ce qui ressort de cette rencontre. «Il y a beaucoup de place pour l’authenticité, en ce moment, observe Valérie Lahaie. Personnellement, parmi les cinq artistes en nomination comme révélation, je connaissais seulement Philippe et Jérôme. Mais je suis allée écouter ce que fait David, et je me suis rendu compte que je connaissais plein de chansons. Et Bernhari, j’ai adoré ses textures sonores. Si on est là et qu’on fait des albums, c’est qu’on essaie de s’accrocher à un espoir. Mais c’est sûr que ça va mal. J’étais en show il y a quelques jours et je regardais mon cachet... Je me demandais comment mon gérant allait faire! On arrive en dessous, c’est la réalité.»
«On est entré dans ce milieu-là par amour pour la musique, sans nécessairement penser à l’état de l’industrie, dit Bernhari. Tu fais tes trucs et tu veux juste que ça fonctionne.
Et quand ça arrive, tu te rends compte que tu es dans une espèce de Titanic qui est en train de couler. C’est vrai qu’il y a beaucoup de gratuité en ce moment, mais il faut trouver de nouvelles manières de rejoindre les gens.»
Le gala de l’ADISQ, animé pour une dixième année consécutive par Louis-José Houde, sera diffusé le 8 novembre prochain, à 19 h 30, sur ICI Radio-Canada Télé.
Le premier gala, animé par Olivier Robillard-Laveaux, aura lieu le mardi 27 octobre à 20 h, et sera diffusé sur MusiquePlus et Musimax. Le gala de l’industrie, animé par Claudine Prévost, sera diffusé sur le site de PalmarèsADISQ, le 27 octobre à 16 h.
Depuis plus de 35 ans, la catégorie Révélation de l’année, au gala de l’ADISQ, a rarement fait de faux pas (voir autre texte). Cette année, lequel des cinq artistes nommés sera couronné? Avant de connaître le résultat, Le Journal a demandé à Bernhari, Philippe Brach, Jérôme Couture, Valérie Lahaie et David Portelance de se présenter brièvement.
Âge > 26 ans
Vrai nom > Philippe Bouchard
Lieu de naissance > Chicoutimi-Nord
Parcours > «J’ai fait beaucoup de concours et festivals. J’ai aussi eu un groupe qui s’appelait Buffet Froid. On repassera pour le nom! Mais ç’a été une bonne école. J’ai pu essayer plein de trucs. J’ai foncé tout droit, tête baissée.» Après avoir sorti son premier album, La foire et l’ordre, en avril 2014, il sortait son deuxième disque, Portraits de famine, en septembre dernier.
Inspirations > «Beaucoup de musique des années 1960 et 1970, comme Frank Zappa, The Doors et Cat Stevens.»
Moment mémorable en carrière > «Il y a cinq ou six ans, dans un spectacle à Chicoutimi, je me suis accidentellement ouvert le crâne, juste avant un spectacle. Je courais dehors pour aller chercher le setlist et je n’ai pas vu un bout de métal. Il faut dire que j’étais complètement défoncé. Ça s’est mis à saigner, mais comme je ne voulais pas perdre le cachet du spectacle, je me suis mis une serviette et une casquette sur la tête. J’ai mis trois shooters de vodka sur la plaie. Après le spectacle, je suis allé me faire faire vingt points de suture!»
Où se voit-il dans 10 ans > «J’espère autant créer qu’en ce moment. Sinon, j’aimerais ça avoir une maison dans le bois.»
Dans son agenda > Philippe Brach aura une imposante tournée, pour appuyer son nouvel album. De novembre à juin, son calendrier compte 80 spectacles, dont sa rentrée montréalaise, le 19 novembre, au National.
Pour toutes les dates de sa tournée: philippebrach.com.
Âge > 30 ans
Parcours > A fait partie du projet indépendant francophone L’Ours. Après la fin de ce trio, il s’est lancé dans une carrière solo, où il s’est fait remarquer en faisant les premières parties de Fontarabie et Hôtel Morphée. Son premier album, Bernhari, est paru en août 2014.
Inspirations > «C’est une synthèse de tout ce que j’ai écouté dans le passé. Il y a de la musique rock mélangée avec la chanson québécoise et française.»
Moment mémorable en carrière > «Le festival Osheaga, cet été. C’est assez impressionnant d’avoir la chance de faire partie d’un festival d’envergure internationale. Tu croises des artistes qui font ça toute l’année. C’est assez spécial de se faire demander une cigarette par Mos Def.»
Où se voit-il dans 10 ans > «J’imagine que je vais faire la même chose. J’ai de la difficulté à me voir encore vivant le lendemain. Je suis quelqu’un de très paranoïaque. Pour moi, c’est un jour à la fois. Je ne me vois pas encore vivre l’année prochaine.»
Dans son agenda > «Je suis en train de terminer mon deuxième album. Ça va se présenter au début de l’année prochaine.»
Pour suivre ses actualités: bernhari.com
Âge > 30 ans
Lieu de naissance > Jonquière
Parcours > «J’ai fait beaucoup de trucs diversifiés. J’ai été choriste, danseur, chanteur principal. J’ai toujours aimé les trucs un peu éclectiques.» En 2012, il était finaliste à La Voix. C’est en avril 2014 qu’il lançait son premier album homonyme.
Inspirations > «Jason Mraz est un artiste très important pour moi. J’aime aussi Bruno Mars. Du côté francophone, j’ai beaucoup écouté Jean Leloup. Et j’aime bien ce que fait Galaxie en ce moment.»
Moment mémorable en carrière > «On me parle souvent de ce moment-là à La Voix, car ç’a forcé la note et ç’a été très important. Mon duel avec Brian Tyler a été très intéressant à vivre. On a oublié le fait que c’était un concours.»
Où se voit-il dans 10 ans > «Je me vois faire la même chose qu’en ce moment, mais à plus grande échelle. J’aimerais essayer d’exporter ma musique.»
Dans son agenda > «Il y a le deuxième album sur lequel on travaille beaucoup. Je fais de nouveau équipe avec Marc Dupré. Et j’ai aussi beaucoup de spectacles jusqu’à la fin décembre.»
Pour toutes les dates de sa tournée: jeromecouture.net.
Âge > 23 ans
Lieu de naissance > Noyan, dans le Haut-Richelieu. Elle habite maintenant à Lacolle, tout près de la frontière américaine.
Parcours > Elle a étudié en piano-jazz et a fait dix ans de piano classique. Après avoir touché à différents genres, dont du jazz expérimental, et avoir tenté sa chance dans des concours et festivals, elle participait à La Voix, en 2014. Repêchée par Éric Lapointe, c’est avec ce dernier qu’elle a notamment collaboré pour son premier album, Vertige, sorti en avril dernier.
Moment mémorable en carrière > «La première fois que j’ai fait un show devant 25 000 personnes, j’avais 11 ans. Je faisais la première partie de Plume Latraverse, piano-voix, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Je n’oublierai jamais ce moment-là. Après ma prestation, un monsieur m’avait dit: «bravo, ma petite fille, tu vas aller loin». Et il était monté sur scène faire son spectacle. C’était Plume Latraverse.»
Où se voit-elle dans 10 ans > «Un peu comme maintenant, faire mes shows, ce que j’aime. J’ai tellement eu de déceptions dans ma vie que j’essaie de ne plus me faire d’attentes.»
Dans son agenda > «J’ai quelques spectacles à moi, mais surtout une douzaine de premières parties d’Éric Lapointe, jusqu’à Noël.»
Pour plus d’infos: facebook.com/ValerieLahaieMusique.
Âge > 41 ans
Vrai nom > David Portelance-Lavigne
Lieu de naissance > Né à Valleyfield, il a grandi à Rigaud. Après avoir passé trois ans à Paris, il s’est installé à Montréal, à l’âge de dix ans.
Parcours > Après avoir s’être fait refuser des écoles de théâtre, David Portelance a décidé de tenter sa chance en musique. Pendant des années, il a fait la tournée des concours et des festivals, sans véritable succès. Ne voyant pas d’opportunités, il décide de tout lâcher pour faire un baccalauréat en enseignement. Mais alors qu’il avait tourné le dos à la musique, il recroise Fred Pellerin, qu’il avait connu en 2003 au Festival de Granby, et ce dernier l’invite à participer à son nouvel album. En 2014, David Portelance lance son premier véritable album, Tenir la route.
Inspirations > «Jacques Brel, pour ses textes et son interprétation. Et Tom Waits, pour sa musique et le côté americana.»
Moment mémorable en carrière > «L’amitié développée avec Fred Pellerin. Un jour, alors qu’on ne se connaissait pas tant que ça, il m’a invité à souper chez lui avec des amis. Il m’avait demandé si je voulais jouer quelques chansons. Je rencontrais Fred et sa garde rapprochée. J’étais un nobody à l’époque. Ça m’a vraiment marqué.»
Où se voit-il dans 10 ans > «Je ne me projette pas jusque-là. J’espère que je serai encore dans le domaine musical, car je me vois mal arrêter de composer.»
Dans son agenda > «J’ai collaboré à d’autres artistes sur d’autres albums qui sortiront prochainement. Un qui est confirmé est celui de Laurence Jalbert, qui devrait paraître à l’hiver.»
Pour ses actualités: davidportelance.com.
L’ADISQ et LA relève musicale
L’ADISQ a le tour de détecter les nouveaux talents.
Depuis sa création en 1979, la catégorie Révélation de l’année, au gala de l’ADISQ, a couronné 36 artistes. Dans la liste, rares sont ceux qui ont connu une carrière en feu de paille. Pour preuve, dans les années 1980, on a remis le Félix notamment à Diane Tell, Martine St-Clair, Céline Dion, Mitsou et Roch Voisine.
La décennie suivante, on saluait entre autres Laurence Jalbert, Julie Masse, Les Colocs, Éric Lapointe et Garou.
Ces dernières années, le Félix a été remis à Klô Pelgag (2014), Les sœurs Boulay (2013), Lisa LeBlanc (2012), Brigitte Boisjoli (2011), Bernard Adamus (2010) et Coeur de pirate (2009).
Qui sont les artistes à avoir connu les moins longues carrières? Dans le lot, on retrouve Nuance, Lili Fatale, Gabrielle Destroismaisons et Mélanie Renaud.
Fait cocasse, dans toute son histoire, le Félix de Révélation de l’année n’a été remis que deux fois à des humoristes (RBO, en 1985, et Lise Dion, en 1997).
Et une seule fois, en 1982, on a couronné non pas un artiste... mais une comédie musicale! L’œuvre de Marc Drouin, Pied de poule, avait alors été récompensée. Cinq ans plus tard, Marc Drouin recevait le même trophée, pour sa carrière solo.