
En 2006, le réalisateur Alain DesRochers s’est battu pour convaincre les producteurs de Nitro d’embaucher Guillaume Lemay-Thivierge. Dix ans plus tard, cette situation paraît absurde, le comédien faisant maintenant partie des grosses pointures du showbiz québécois.
Mais au début du règne de Stephen Harper, les choses étaient fort différentes. Aux yeux des bonzes du milieu culturel, l’acteur portait encore l’étiquette du Matou, titre du populaire téléfilm de Jean Beaudin qui l’avait fait connaître en 1985. «Aux bureaux d’Alliance Vivafilm, quand j’ai dit que c’était Guillaume Lemay-Thivierge qu’il nous fallait, tout le monde s’est exclamé: “Ben voyons?! Le Matou?!” Les gens ne voulaient rien savoir», raconte Alain DesRochers.
Le cinéaste était persuadé que Guillaume Lemay-Thivierge pouvait camper le héros «bad boy» de film d’action, non seulement parce qu’il connaissait ses habiletés athlétiques, mais parce qu’il venait de regarder Le négociateur, cette série de Sylvain Archambault dans laquelle le comédien, alors âgé de 30 ans, avait décroché un rôle secondaire. «Il jouait une crapule, il tenait des guns… Personne n’avait vu Guillaume comme ça avant», se rappelle Alain DesRochers.
La ténacité du réalisateur a porté ses fruits puisqu’en 2007, Nitro – avec Guillaume Lemay-Thivierge en tête d’affiche – enregistrait des recettes de 3 434 000 $. Avec Les 3 p’tits cochons et Casino, ce film d’action lançait la renaissance professionnelle du comédien.
En entrevue au Journal de Montréal pour promouvoir la sortie de Nitro Rush, la suite du premier film, en salle le 31 août, le principal intéressé se rappelle distinctement cette époque. «Les années précédentes avaient été plus tough... Ça faisait du bien de travailler. Je souhaitais tellement vivre du métier correctement et faire de beaux projets. Je rêvais de pouvoir faire du cinéma. Je rêvais qu’on m’appelle et qu’on m’engage.»
Travailler, tout simplement
Depuis ce temps, le téléphone de Guillaume Lemay-Thivierge n’a pas dérougi. Au grand écran, son nom est apparu au générique d’une dizaine de films, incluant La ligne brisée, Filière 13, Frisson des collines et Les 3 p’tits cochons 2, lequel a récolté plus de 2 750 000 $ au box-office québécois, selon les chiffres de Cinéac. Au petit écran, nous l’avons vu dans Lance et compte, 30 vies et Ruptures. Au théâtre, il souligne cet automne le cinquième anniversaire de Ladies Night, cette pièce comico-sexy avec Marcel Lebœuf, Frédéric Pierre, François Chénier, Luc Senay et Sylvie Boucher. Le touche-à-tout a même ajouté des cordes à son arc en animant deux émissions à TVA (Fort Boyard, Faites-moi confiance) et quelques fêtes nationales à Québec, sans compter la réalisation de plusieurs épisodes d’Unité 9 et de 30 vies
«Ma plus grande réussite dans cette industrie, c’est de travailler. Point. Tu peux jouer des rôles intéressants et marquants, mais gagner sa vie, c’est un exploit en soi. J’ai fait des chroniques, j’ai mené des entrevues, j’ai animé des shows, j’ai fait un film de parachute avec mon ex (Les pieds dans le vide, de Mariloup Wolfe)… J’ai fait un peu de tout. Et j’ai trouvé mon compte dans tout.»
Pour ses enfants
La vie personnelle de Guillaume Lemay-Thivierge s’est également avérée riche en rebondissements durant la dernière décennie. De son union avec Mariloup Wolfe sont nés deux garçons, Manoé et Miro, aujourd’hui âgés de 6 et 4 ans. Père de Charlie, une adolescente de 15 ans issue d’une relation précédente, Guillaume Lemay-Thivierge attend maintenant son quatrième enfant avec Émily Bégin.
Sa vie familiale a beaucoup influencé ses choix de carrière.
«Ma fille était toute jeune quand j’ai recommencé à travailler, explique le comédien. Avoir des enfants, ça replace les valeurs au bon endroit. T’es moins en besoin d’avoir un premier rôle dans quelque chose. T’es plus en besoin de travailler. Tout simplement.»
Dix ans après avoir amorcé son retour en force, Guillaume Lemay-Thivierge apprécie davantage le succès qu’il remporte. Il projette même de produire une pièce de théâtre l’été prochain. Les temps difficiles du côté professionnel semblent bel et bien derrière lui. «La leçon, c’est de garder espoir, ne jamais se décourager, observe-t-il. Dans la vie, il faut rêver. Ce que je vis présentement, je l’ai espéré. Je l’ai imaginé.»

En 2006, Alain DesRochers hésitait à présenter un projet de long métrage comme Nitro aux institutions financières. «J’étais gêné de faire un film d’action!», raconte le cinéaste au Journal. Dix ans plus tard, les choses ont bien changé. Fini, la culpabilité. Le réalisateur, qui s’apprête à présenter la suite du premier volet, continue d’explorer le genre avec fierté. «Avec Nitro Rush, j’ai carrément été 100 % pour un film d’action… aussi léger qu’il puisse être.»
Nitro Rush est effectivement bourré de scènes d’action. On parle de combats à mains nues, d’attaques à mains armées, de poursuites en voitures et même d’hébertisme extrême. L’histoire du film, scénarisé par Martin Girard d’après une idée originale d’Alain DesRochers, reprend six longues années après la conclusion du premier film, quand Max (Guillaume Lemay-Thivierge) est jeté en prison pour avoir tué un policier en tentant de sauver sa femme hospitalisée. Fortement ébranlé, leur fils Théo (Antoine DesRochers) a toujours refusé de revoir son père, qu’il accuse d’avoir laissé mourir sa mère. Aujourd’hui adolescent et particulièrement doué en informatique, ce dernier se retrouve au cœur d’une affaire de drogue. Nommée la «nitro rush», cette nouvelle substance, aussi puissante que destructrice, promet de faire des ravages.
Quand Max apprend que Théo est mêlé à toute cette affaire, il n’a qu’un objectif en tête: s’évader de prison pour sortir son fils des griffes d’un dangereux criminel.
Alain DesRochers a changé sa façon de construire un scénario pour pouvoir profiter au maximum des aptitudes physiques de Guillaume Lemay-Thivierge. «Il s’est assis avec Martin (Girard) et moi, puis on a écrit le film en conséquence», raconte le cinéaste

Un genre méprisé
Douze mois après avoir complété le tournage du long métrage, Alain DesRochers a hâte de voir la réaction du public. «Je suis content du film, déclare le cinéaste. C’est un film d’action sans aucune autre prétention que d’être un film d’action.»
Bien que depuis la sortie du premier Nitro, le Québec a pondu quelques films d’action (Bon cop, bad cop, De père en flic), le genre fait toujours sourciller plusieurs joueurs importants du milieu culturel, croit Alain DesRochers. «On est trop souvent méprisé par l’industrie. L’élite intellectuelle québécoise boude beaucoup ce type de films. Les critiques sont toujours sévères envers nous. Mais il faut faire un cinéma pour tous. Oui, je fais des films grand public. Oui, je fais des films d’action. Oui, c’est mon but d’attirer du monde en salle parce que c’est important», souligne le réalisateur.

Pas comme Fast and Furious
Alain DesRochers voulait que Nitro Rush soit «complètement différent» des films d’action américains qui rallient les foules comme Fast and Furious et compagnie. Un bon réflexe, puisque Nitro Rush était doté d’un budget légèrement supérieur à 5 millions $... contrairement aux 200 millions $ des superproductions hollywoodiennes contemporaines.
«Quand je rentrais chez nous le soir après une longue journée de tournage, j’étais toujours super fier. J’avais le sentiment du devoir accompli. Je n’avais rien à envier aux films américains sauf le budget. On n’avait pas des tonnes d’argent, mais on prenait le temps de tout bien faire comme il fallait.»

Des doublures sous-utilisées
Malgré la panoplie de scènes d’action du film, Alain DesRochers n’a utilisé la doublure de Guillaume Lemay-Thivierge qu’une seule fois, lors d’une scène de combat où Max défonce le pare-brise d’une auto après une chute.
Les avancées technologiques sont également venues aider le réalisateur à quelques reprises, notamment pour munir son héros d’un poignard en postproduction, chose qu’il aurait été incapable de faire lors du premier Nitro.
«On peut maintenant créer des punchs visuels percutants, souligne Alain DesRochers. Avant, c’était beaucoup plus laborieux.»

Entre frères
À travers ce déferlement de cascades, Alain DesRochers et Guillaume Lemay-Thivierge ont continué de bâtir une relation qu’ils qualifient de «fraternelle».
«Alain, c’est un gars extrêmement respectueux et ouvert d’esprit, souligne le comédien. On forme vraiment une super équipe. J’espère qu’on travaillera ensemble pendant longtemps.»
«Guillaume, c’est le petit frère que je n’ai jamais eu», déclare le réalisateur.
Nitro Rush sort en salle le mercredi 31 août.
Bon cop, bad cop 2
Encore plus d’action pour Alain DesRochers
Nitro Rush n’est pas le seul film d’action qu’Alain DesRochers a tourné durant la dernière année. Le cinéaste a aussi succédé à Érik Canuel aux commandes de Bon cop, bad cop 2, la suite du plus grand succès de tous les temps au box-office canadien. Les 42 jours de tournage avec Patrick Huard et Colm Feore ont beau avoir pris fin le mois dernier, Alain DesRochers semble encore flotter quand il parle du film.
«C’est deux fois plus d’action que n’importe quel film jamais fait au Québec, dit-il. Les gens vont tomber su’l cul. On a des stunts complètement débiles!»
Bon cop, bad cop 2 occupera Alain DesRochers jusqu’à Noël. Cette suite met également en vedette Lucie Laurier, Sarah-Jeanne Labrosse, Marc Beaupré, Mariana Mazza et Claude Poirier, qui effectuera une apparition surprise.