
Patrick Bruel et le Québec, c’est une histoire d’amour qui aura bientôt 30 ans. Au fil des grands concerts et des amitiés sincères, des liens très forts se sont tissés entre les Québécois et l’une des plus grandes stars de la musique et du cinéma francophones. «Je n’ai pas de mauvais souvenirs au Québec, que de bons moments», confie Patrick Bruel dans une entrevue accordée au Journal.
Quand Patrick Bruel parle de son amour pour le Québec, ce n’est pas de la frime. Pendant près de 30 minutes, alors qu’il roulait dans Marseille, la semaine dernière, l’interprète de l’indémodable Qui a le droit a ressassé mille et un souvenirs de ses nombreuses visites dans la Belle Province, un endroit où il aime revenir dès qu’il en a l’occasion. Quitte à les provoquer, ces occasions.
«En général, quand je veux venir au Québec, je trouve un prétexte, je demande s’il n’y a pas une émission importante que je pourrais faire», lance-t-il, un sourire dans la voix.
Peu de gens s’en souviennent, mais c’est grâce au grand cinéaste Claude Lelouch qu’il a découvert le Québec. C’était en 1987. Encore inconnu chez nous, Bruel était débarqué à Montréal pour faire la promotion du film Attention bandits!, dans lequel il incarne un jeune truand. Ce fut le coup de foudre.
«J’ai été frappé par l’immédiate chaleur des gens. On t’ouvre la porte, on te dit: bienvenue chez nous, voilà qui on est, voilà notre façon de faire. Tout de suite, on est pris par cette façon d’être, par cet accent, cette culture, cette gentillesse profonde. J’ai toujours dit qu’il y a un mot qui n’existe pas dans le vocabulaire des Québécois, c’est le cynisme. Vous n’avez pas ça. Vous êtes bien d’autres choses, mais je n’ai jamais senti le cynisme.»
De l’audace au Québec
«Le Québec, ajoute-t-il, est un endroit où je me suis toujours senti très libre et très audacieux. J’ai souvent puisé au Québec – dans des émissions de télé, dans des émissions de radio, dans des entretiens, dans mes relations avec les gens, dans des moments sur scène – de petits ingrédients de liberté que j’ai importés chez moi ou ailleurs.»
Par-dessus tout, Patrick Bruel apprécie la spontanéité des Québécois. Un trait de caractère qu’il illustre en partageant une anecdote de son amie (et ancienne flamme) Julie Snyder.
«Durant une émission, elle me dit: j’ai vu sur ton planning que tu es libre le 6 novembre et que tu es aux États-Unis du 1er au 5. Pourquoi tu ne viens pas à Montréal le 6? En direct, elle organise un concert et trouve la location en cinq minutes. Cette liberté, cette spontanéité, on ne la retrouve pas ailleurs.»
Symphonique
Son cher Québec, Patrick Bruel s’apprête à le retrouver bientôt pour chanter ses succès en version symphonique. Trois soirs à Montréal, à la Maison symphonique, et un quatrième à Québec, au Palais Montcalm, qui s’est ajouté récemment. Après le succès de son concert au Festival d’été, l’an dernier, sur les plaines d’Abraham, Bruel ne s’imaginait pas esquiver la capitale.
«Je m’en fous, débrouillez-vous, il faut qu’on fasse Québec», a-t-il exigé à ses collaborateurs.
Bruel s’exécutera devant une soixantaine de musiciens dirigés par le chef Simon Leclerc, maître d’œuvre de la série OSM Pop.
«Simon Leclerc et moi n’arrêtons pas d’échanger des courriels pour préparer ce spectacle qui sera, je l’espère, exceptionnel. Je suis un peu comme un enfant devant ce projet. Je suis très touché de faire ça et j’espère que ça aura un bon retentissement. On va faire beaucoup de chansons à moi, mais aussi des chansons du grand répertoire et forcément un air d’opéra. Quand on a une soixantaine de musiciens derrière soi, on peut se le permettre.»
Patrick Bruel sera à la Maison symphonique de Montréal, les 18, 19 et 20 mai. Les gens de Québec le verront le 21 mai, au Palais Montcalm.
à souvenirs de

De 1987 à 2006, Patrick Bruel a séjourné des dizaines de fois au Québec. Il a soulevé les foules, s’est fait de fidèles amis, a égayé les plateaux de télé et les studios de radio. En entrevue, la star accepte de fouiller dans sa boîte à souvenirs du Québec, cet endroit «où les gens sont contents de me revoir même quand je m’absente longtemps».
La première grande tournée

C’est en 1992 que la Bruelmania s’est installée à demeure chez nous, quand le chanteur s’est offert sa première tournée d’importance, avec des arrêts au Forum de Montréal et au Colisée de Québec de même qu’à Sherbrooke, Trois-Rivières, Chicoutimi et Ottawa. «C’était extraordinaire pour un artiste français. À l’époque, je n’avais fait que le Spectrum, un an avant, et je me trouvais catapulté deux fois au Forum. C’était pas mal quand même pour cet album, Casser la voix, qui avait pris tellement de place. Évidemment, je me souviens de tout: d’Éric Lapointe en première partie, de Marjo qui était venue chanter avec moi. Je me souviens de ce public qui était aussi formidable que le public que j’avais en Europe. C’était le début d’une grande aventure. Au Colisée aussi, il y avait eu une grande chaleur. Les gens étaient contents de me voir.»
Des duos québécois

Patrick Bruel ne rate jamais une occasion de partager la scène avec un artiste du Québec. Avec lui, toutes les propositions de duo obtiennent une oreille attentive, ce qui l’a amené à chanter tant avec Jérôme Couture et Alex Nevsky que Marie-Mai, Charlotte Cardin et Ariane Moffatt. «C’est enrichissant, car on apprend beaucoup des autres. J’ai rencontré il y a pas longtemps Pierre Lapointe, quand j’ai vu son spectacle à Paris. Par sa forme d’écriture, sa manière d’être sur scène, j’ai beaucoup aimé cet artiste que je ne connaissais pas bien. Je suis très sensible à ce qu’il fait. Après, il y a toutes ces rencontres avec Céline, Natasha (St-Pier) et Marie-Mai. J’ai beaucoup aimé chanter avec Marie-Mai. Elle a du talent et beaucoup de charisme.»
À la radio avec «Normanne»

Accorder des entrevues à l’occasion de ses visites au Québec n’a jamais été une corvée pour Patrick Bruel. Bien au contraire. De la promo, comme on dit, il peut en faire du matin jusqu’au soir. Et il garde des souvenirs délicieux. «J’ai des souvenirs extraordinaires de ces moments où j’allais faire des morning à la radio, à CKOI, avec ce gars Normand (prononcé «Normanne» par Patrick) Brathwaite. Les trucs qu’on a faits ensemble, ça n’a pas de bon sens, comme vous dites chez vous.»
Tourner au Québec

Ce qui manque à la feuille de route québécoise de Patrick Bruel? Tourner dans un film au Québec. «J’en rêve. Il était question d’un film avec Louise Archambault, qui a été retardé (l’adaptation du roman Les Terres Saintes, d’Amanda Sthers, son ex-femme). J’espère que ça prendra forme. Je suis le cinéma québécois depuis toujours. Et là, il prend une dimension incroyable.»
À la radio avec «Normanne»

Accorder des entrevues à l’occasion de ses visites au Québec n’a jamais été une corvée pour Patrick Bruel. Bien au contraire. De la promo, comme on dit, il peut en faire du matin jusqu’au soir. Et il garde des souvenirs délicieux. «J’ai des souvenirs extraordinaires de ces moments où j’allais faire des morning à la radio, à CKOI, avec ce gars Normand (prononcé «Normanne» par Patrick) Brathwaite. Les trucs qu’on a faits ensemble, ça n’a pas de bon sens, comme vous dites chez vous.»
Les Plaines, «le plus grand concert»

Même s’il a chanté sur les plus grandes scènes, Patrick Bruel n’a aucune hésitation. Son concert le plus marquant, c’est celui sur les plaines d’Abraham au Festival d’été 2015. «Ça restera le plus grand concert que j’ai jamais fait. Ce fut la plus grande foule en face de moi, une des plus grandes émotions que j’ai jamais eues. Je n’oublierai jamais ces deux heures sous la pluie avec les gens qui sautaient en l’air, qui étaient heureux. Il y avait dans leur visage à la fois des gouttes de pluie et des larmes. Et c’était la une du journal le lendemain. On peut dire ce qu’on veut, qu’on a tout vu dans sa vie, mais la une du Journal de Québec avec Mick Jagger au-dessus de moi dans la même position... Je suis fier, bien sûr que je suis fier. C’est un moment très fort.»
René dans la troisième rangée

Comme des milliers d’autres, Patrick Bruel a été touché par le décès de René Angelil. Il lui vouait le plus grand des respects. «C’est un homme qui a tellement donné aux autres. Il avait une générosité, une ouverture et surtout un respect incroyable pour tout le monde. J’ai un souvenir très bouleversé de mon spectacle à Las Vegas où il était au troisième rang pendant tout le spectacle à regarder derrière, devant, partout. Il avait l’air fasciné. Il est rentré dans ma loge à la fin en pleurant, en me disant des choses absolument merveilleuses, qu’il n’avait jamais vu quelque chose comme ça.»
Les blanchons du Québec

Après avoir parcouru la province de long en large pendant des années, le chanteur a finalement pu la faire visiter à ses enfants à l’occasion du tournage d’une émission de L’été indien, avec Julie Snyder et Michel Drucker, en 2014. «On nous a fait faire des choses qu’on n’avait jamais faites. J’ai notamment emmené mes enfants à la découverte des blanchons aux Îles-de-la-Madeleine. C’est quelque chose qui restera inoubliable pour eux et pour moi. Et j’espère pour ces petits blanchons qui sont devenus notre mascotte. Ça a été un voyage extraordinaire avec des escapades en chiens de traîneau, à l’hôtel de glace et à l’hôtel Wendat où nous avons pu découvrir la culture amérindienne.»
Et la suite, Barbara?

Patrick Bruel reçoit actuellement d’excellentes critiques en France avec son spectacle hommage à Barbara, son idole de toujours. Il ne cache pas son désir de présenter ce spectacle à ses fans du Québec. «Il faut que je le fasse. C’est un spectacle qui a largement sa place au Québec. Barbara a beaucoup compté pour les Québécois. Je raconte mon histoire à travers les mots de Barbara et ça donne un spectacle tout à fait étonnant. Les gens sont tellement émus et touchés. Je vais tout faire pour venir le présenter chez vous», promet-il.