Qui sera La Voix ?
Un dernier tour de chant
La fin approche. Après 12 semaines de compétition, une centaine de prestations, des chaudières de larmes, des effusions de joie, des fausses notes, des moments de grâce, des surprises, des controverses, quelques jeux de mots de Charles Lafortune et plusieurs envolées métaphoriques du panel de coachs, La Voix désignera son troisième gagnant dimanche soir.


Le successeur de Valérie Carpentier et Yoan Garneau sera nommé en direct, après deux heures de festivités à grand déploiement réunissant Kelly Clarkson, Def Leppard, Melissa Etheridge, Jean Leloup, Patrice Michaud et Alex Nevsky. Cet alignement de stars locales et internationales est certes alléchant, mais les mordus, ceux qui suivent La Voix depuis ses débuts en 2013, regarderont surtout cette finale pour entendre les chansons originales des quatre finalistes.
Comme chaque année, coachs et mentors ont passé la semaine à confectionner des chansons pour leurs protégés. Ainsi, Kevin Bazinet livrera une pièce de Marc Dupré et Alex Nevsky, Rosa Laricchiuta entonnera une création de Lynda Lemay, Éric Lapointe et Stéphane Dufour, Mathieu Holubowski interprètera une composition du tandem Pierre Lapointe-Philippe B et Angelike Falbo, guidée par Isabelle Boulay, chantera du Vincent Vallières.

Forte pression
Les coachs ressentent la pression, confie le producteur associé du rendez-vous télévisuel, Stéphane Laporte. Et pour cause. En 2013, trois des quatre chansons pondues expressément pour l’émission ont enflammé les palmarès: À fleur de peau de Valérie Carpentier (signée Ariane Moffatt et Daniel Bélanger), J’attends de Charlotte Cardin-Goyer (signée Marie-Mai et Fred St-Gelais) et Comme on attend le printemps de Jérôme Couture (signée Marc Dupré et Nelson Minville). L’an dernier, les radios ont adopté Une armée dans ma voix de Rémi Chassé, paroles et musique de Louis-Jean Cormier.
Les coachs savent pertinemment combien leur chanson peut influencer le vote ce week-end. «Dimanche soir, tout de suite après l’émission, c’était frénétique au deuxième étage des studios Mel’s, raconte Stéphane Laporte. Marc s’est précipité dans sa loge avec Alex Nevsky pour commencer à travailler. Éric Lapointe a passé deux nuits blanches pour Rosa… Ils sont là-dessus à temps plein. Ils savent combien c’est important pour lancer la carrière d’un artiste. Un chanteur a besoin d’une chanson pour voler de ses propres ailes.»
Groupe éclectique
À quoi ressembleront ces titres inédits? Impossible de savoir. Chose certaine, puisque ces chansons seront taillées sur mesure pour Kevin, Rosa, Angelike et Mathieu, elles seront très différentes les unes des autres, car cette saison, plus que toute autre saison auparavant, les quatre finalistes occupent des créneaux musicaux très distincts. Kevin préfère la soul-pop, Rosa carbure au rock, Angelike adore les ballades grandiloquentes et Mathieu chérit les atmosphères intimistes.
«C’est l’année la plus éclectique, acquiesce Stéphane Laporte. Ce groupe de finalistes représente non seulement la diversité des candidats, mais aussi celle des coachs.»
« Un honneur »
Sans surprise, les principaux intéressés meurent d’impatience d’entonner leurs chansons originales pour la première fois en public. Rosa parle d’un «immense honneur».
«Chanter du Éric Lapointe, c’est quelque chose! Je n’ai jamais eu cette chance. C’est une autre coche. C’est fou! C’est toute une responsabilité. Je vais mettre toutes mes énergies là-dessus. Oui, je vais avoir du fun à chanter avec Melissa Etheridge et Kelly Clarkson. Ça va être un gros show, pis un gros party. Mais défendre une chanson d’Éric Lapointe, c’est du sérieux.»
De son côté, Kevin pensera à tous ses anciens coéquipiers quand il montera sur scène pour offrir son denier tour de chant dimanche. «C’est un honneur de chanter une toune de Marc Dupré. Dimanche, je vais défendre son équipe et tous les autres candidats qui sont partis avant moi. Je vais me battre pour tout ce monde-là. Parce que Marc mérite de gagner. C’est juste le meilleur coach au monde. Depuis le début, il est avec nous. Il est naturel. On sent qu’il nous aime pour vrai. Il est intéressé. Il tripe avec nous. Il aime ça. Il n’est pas juste gentil avec nous devant les caméras. Il est présent tout le temps. Ça vient de lui… du fond de son cœur. Ça paraît.»
La Voix prend fin dimanche à 19 h 30 à TVA. Artistes invités: Kelly Clarkson, Def Leppard, Melissa Etheridge, Jean Leloup, Patrice Michaud, Alex Nevsky, Yoan et Brett Kissel.
L’album La Voix III arrive en magasin le 12 mai.

Équipe Éric Lapointe
Tu avais déjà beaucoup de métier avant La Voix. Peux-tu comparer La Voix à quelque chose d’autre dans ton parcours?
Non. J’ai fait des shows devant 2000 et 3000 personnes, mais La Voix, c’est complètement différent. La télé, c’est différent. Quand tu chantes avec Louis-Jean Cormier et Cœur de pirate, c’est quelque chose! Tu n’as pas droit à l’erreur. On est loin des bars!
Avec qui es-tu le plus stressée de chanter dimanche soir : Def Leppard, Melissa Etheridge, Kelly Clarkson ou Jean Leloup?
Melissa Etheridge! Mais ce n’est pas du stress, c’est de l’excitation. Quand j’ai commencé ma carrière, je chantais du Melissa Etheridge. Je connais toutes ses chansons par cœur. Quand je vais la voir, je vais réaliser un rêve. Cela dit, je suis aussi excitée de chanter avec les autres. Je suis le parcours de Kelly Clarkson depuis qu’elle a gagné American Idol. J’ai dansé mon premier slow sur Love Bites de Def Leppard! Et Jean Leloup, c’est tout un numéro! Je suis comme: «Oh my god!»
À combien évalues-tu tes chances de gagner?
À 100 %... parce que dans ma tête, j’ai déjà gagné. Mon objectif, en entrant dans La Voix, c’était d’avoir une excellente relation avec mon coach. Je voulais gagner le respect de mon coach. Je voulais qu’Éric soit fier de moi. Toutes mes prestations, je les ai faites pour lui. Donc aujourd’hui, étant donné que je suis la dernière dans son équipe, pour moi, la compétition est terminée. Le stress est tombé. À partir de maintenant, je veux juste m’amuser.
Lundi matin, quand tout sera terminé, de quoi vas-tu le plus t’ennuyer?
Les gens vont me manquer. Quand tu entres aux studios Mel’s, tout le monde est tellement gentil. C’est comme une grande famille ici. Lundi, je sais que je vais être triste. Je sais que je vais pleurer, parce que je suis une personne très sensible. Je vais m’ennuyer d’eux, parce qu’après, qu’est-ce que je vais pouvoir faire? Appeler Marc Dupré ou Charles Lafortune pour leur dire: «Hey! Est-ce qu’on va prendre un café?» Je sais que ça n’arrivera pas. C’est malade… On se voit presque chaque jour et tout d’un coup, boum, c’est fini. C’est triste.»
Équipe Pierre Lapointe
Briller dans une compétition de chant à grand déploiement comme La Voix peut être difficile, surtout quand on préfère les atmosphères intimistes aux ballades pétaradantes. Mathieu Holubowski en sait quelque chose. En entrevue, le protégé de Pierre Lapointe avoue avoir trimé dur avant de trouver sa place dans cette émission titanesque.
«Au début, c’était très difficile. Je suis autodidacte à 100 %. C’était très intimidant pour moi de jouer avec des musiciens professionnels qui disent des choses comme: «On va jouer dans la clé de sol.» Je n’ai aucune connaissance théorique en musique. Et jouer sur une grande scène avec de gros décors, c’est déstabilisant. Je suis habitué de chanter dans des contextes beaucoup plus personnels.»
Mathieu a songé à adapter son style au concours à la mi-parcours. «Je pensais que c’était ce que les gens recherchaient, déclare le jeune homme de 26 ans. Je pensais qu’ils voulaient quelque chose de plus gros. Les gens de l’émission m’ont testé une couple de fois. Ils m’ont enlevé ma guitare, ils m’ont fait jouer avec un band... Mais au final, ils m’ont laissé voler de mes propres ailes. Ils ont compris que j’étais meilleur tout seul. C’est pour ça qu’ils m’ont conseillé de rester seul avec ma guitare. Ça m’a fait du bien de savoir qu’ils me faisaient confiance.»
«Je suis entré à La Voix avec la ferme intention de rester fidèle à moi-même en tant qu’artiste. C’était important pour moi de rester intègre», ajoute celui qui lançait en juillet 2014 son premier album, Old Man.
Ses inspirations
Grand admirateur de Ray Lamontagne, Louis-Jean Cormier, Ed Sheeran, Pierre Lapointe, Ben Howard, Cœur de pirate, Patrick Watson et Dallas Green, Mathieu Holubowski a également beaucoup de respect pour Bob Dylan. «J’aime les voix particulières, souligne le candidat. Quand tu entends Dylan pour la première fois, tu peux trouver qu’il chante mal, mais quand tu prends connaissance des textes, ça change tout. Les voix qui me touchent le plus, ce ne sont pas nécessairement les meilleures techniquement. Ce sont celles qui peuvent porter un message, porter une émotion.»
Bien que 2 800 000 personnes regardent La Voix tous les dimanches soir, Mathieu passe encore inaperçu dans la rue, chose qu’il apprécie énormément. «J’ai souvent besoin d’être dans mon monde... J’aime être dans mon petit coin avec mes propres pensées, ce qui fait qu’en public, j’ai souvent l’air bête. Mon resting bitch face fait peut-être peur aux gens!»
Équipe Isabelle Boulay
On a beaucoup parlé de ton âge au cours des dernières semaines. À 16 ans, tu es la benjamine des finalistes. Te sens-tu jeune par rapport aux autres candidats?
Plus maintenant, mais aux auditions, oui. J’étais gênée et timide. Mais à force de côtoyer des gens plus vieux et d’apprendre de nouvelles choses, j’ai l’impression d’avoir beaucoup grandi en très peu de temps.
Qu’as-tu appris de plus précieux durant cette expérience?
À contrôler mes nerfs. J’ai beaucoup plus confiance en moi aujourd’hui. Je suis moins timide. Je suis plus sociable. Avant, quand je parlais à Charles Lafortune devant les caméras, je faisais beaucoup d’erreurs de français. Parce que ma langue première, c’est l’anglais. Mais j’ai fait du progrès.
Isabelle Boulay te décrit comme une «grande travaillante». D’où tiens-tu cette qualité?
Dans la vie, j’ai toujours travaillé très, très fort… particulièrement à l’école. J’ai toujours eu besoin de suivre des cours supplémentaires. À La Voix, c’est la même chose: j’ai dû passer par les chants de bataille.
Y a-t-il eu un malaise entre Isabelle Boulay et toi après la demi-finale, quand elle t’a accordé la plus basse note des trois concurrents?
Pas du tout. C’est grâce à Isabelle si je suis ici aujourd’hui. Aux auditions à l’aveugle, c’est elle qui s’est tournée pour moi.
De quelle prestation es-tu la plus fière?
Say Something de Great Big World et Christina Aguilera en demi-finale. Avec ma famille, on regarde chaque performance et chaque fois, on voit des améliorations. J’étais un peu inquiète au début, parce que la semaine d’avant, j’avais fait une grande ballade de Lara Fabian, alors que Say Something est plus en retenue. J’avais peur de ne pas pouvoir montrer tout ce que je sais faire vocalement, mais j’ai réussi à transmettre une émotion, ce qui est beaucoup plus important. J’ai ressenti tout ce que j’ai chanté.
Quelle voix admires-tu le plus?
Celle de Christina Aguilera. C’est mon idole. Elle est unique.
À quoi penses-tu 30 secondes avant de monter sur scène?
À ne pas tomber avec mes talons! (Rires) Plus sérieusement, je prends de grandes respirations, je ferme les yeux et je pense à mon grand-père, ma famille, aux gens qui m’aiment… Je veux qu’ils soient fiers de moi.
Équipe Marc Dupré
Selon plusieurs observateurs, Kevin Bazinet a survolé la compétition cette saison. Mais aux yeux du principal intéressé, la route fut plus cahoteuse, particulièrement les deux premières étapes du concours.
«J’étais trop fragile, raconte le jeune homme de 23 ans. Je m’étais mis beaucoup de pression sur les épaules. Je voulais bien faire. La Voix me tenait à cœur… peut-être même trop. Je voulais dépasser mes limites, mais c’était difficile... Je n’étais pas tout à fait présent sur scène…»
Les choses ont changé lors des quarts de finale. Carburant aux encouragements du public, le protégé de Marc Dupré est parvenu à montrer ses vraies couleurs en offrant une relecture de Jealous Guy de John Lennon. Cette prestation a non seulement convaincu les coaches, elle a converti les téléspectateurs.
«Cette chanson me définit aujourd’hui. J’ai fait un petit spectacle au Saint-Hubert la semaine dernière. J’ai chanté Jealous Guy, puis les gens l’ont redemandée. On n’était pas au Centre Bell, mais avec les cris et les applaudissements, c’était tout comme! C’était fou, fou, fou!»
Le favori
Depuis le début des directs, Kevin Bazinet fait figure de favori pour remporter les grands honneurs. En entrevue, le chanteur de Mont-Laurier parle d’une position enviable, mais parfois difficile à assumer. Loin des projecteurs des studios Mel’s, l’attention qu’il reçoit est phénoménale
«Je me fais tout le temps arrêter dans la rue, lance Kevin en souriant. Oh mon Dieu! C’est incroyable! Je n’aurais jamais pensé que ça pouvait arriver au Québec. On n’est pas aux États-Unis! Je ne peux aller nulle part! C’est fou!»
«La clé, c’est de rester terre-à-terre par rapport à tout ça, poursuit le candidat. La Voix, c’est une vitrine extraordinaire. C’est quelque chose qui est tellement difficile à obtenir habituellement. On est tellement chanceux d’avoir ça facilement.»
Garder la tête froide
Ayant déjà connu une grande déception professionnelle (un premier disque passé inaperçu en 2009), Kevin Bazinet dégonfle ses attentes en prévision du résultat du vote de dimanche. «Je préfère vivre au jour le jour… par peur d’être déçu.»
Gagne ou perd, Kevin s’ennuiera des autres participants lundi matin, quand tout sera terminé. «On est tous des passionnés de musique qui tripent ensemble. On vit la même affaire… J’espère qu’on va rester en contact.»